X-Men : Days of Future Past, de Bryan Singer

 

X-Men : Days of Future Past, de Bryan SingerPeut-on changer le passé ? Et de ce fait, le présent, l’avenir ? Une action précise peut-elle, si elle est empêchée, produire un avenir différent, meilleur, de préférence ?

Ces questions sont à la base de quasiment tous les films qui traitent du voyage temporel. De la trilogie Retour vers le futur à Looper, en passant par La Jetée de Chris Marker, le cinéma se fascine régulièrement pour ces récits complexes et riches en rebondissements : les conséquences n’étant jamais celles qu’on prévoyait… La beauté et la force de X-Men : Days of Future Past n’est donc pas (uniquement) dans ce procédé narratif devenu très commun. Ce qui fait du film de Bryan Singer une œuvre à part, un des sommets du genre « film de super-héros » c’est la manière dont ce schéma narratif va enrichir, approfondir et redéfinir une franchise qui n’était pas dénuée de bons films (X-Men 2 et Le Commencement) mais qui semblait manquer de cohérence.

Car s’il faut saluer une chose avant tout dans ce volet des X-Men c’est l’audace scénaristique, le geste même d’écrire semble reprendre toute ses lettres de noblesses. Les films de super-héros n’ont pas souvent brillé par leur scénario, mais il se trame quelque chose dans ce monde codifié, une nouvelle forme d’écriture est à l’œuvre, se cherche, expérimente et accouche aujourd’hui de deux projets absolument dignes d’intérêt.

Tout d’abord, il y a cet univers Marvel, prévu sur plusieurs années et qui épouse maintenant même la télévision avec la série Marvel Agents Of Shield. Comme toutes les séries de Joss Whedon elle a plutôt mal commencé pour finir en beauté et créer un dialogue inédit entre cinéma et télévision. On pense ce que l’on veut de films Marvel, mais l’effort d’écriture est là. Et l’ampleur du projet est fascinante. Individuellement, les films sont hautement inégaux mais l’ensemble est remarquable.

La saga X-Men semblait aller de film en film, tentant des stand-alone parfois désastreux (X-Men : Origins) mais sa cote de sympathie était intacte, surtout après le superbe Le Commencement. Ce nouveau volet en est la suite directe, il vaut d’ailleurs mieux l’avoir bien en mémoire, car il y a certes des rappels, mais l’impact émotionnel du film provient des événements qui ont germé dans Le Commencement.

Au début de ce nouvel épisode, les X-Men sont acculés, les Sentinelles, des robots ultraperfectionnés qui s’adaptent aux pouvoirs des mutants, les pourchassent et les menacent d’extinction. La seule solution pour en finir avec cette guerre qui tue aussi des humains ? Retourner dans le passé et empêcher la fabrication des Sentinelles.

La scène d’ouverture est une merveille, une des plus belles scènes d’action jamais vues dans un X-Men. Le désespoir des mutants est palpable et voir Charles Xavier et Erik faire cause commune est preuve de la situation terrible dans laquelle ils se trouvent. C’est donc Wolverine qui va se retrouver dans les années 1970 pour essayer de modifier le cours des événements.

En dehors des multiples clins d’œil et références qui réjouiront les fans et aficionados des comics, le film parvient à maintenir un miraculeux équilibre entre des moments franchement drôles et des scènes très graves (quelques dialogues un peu lourds, il faut le concevoir, mais rien de grave…). A cet égard la plus époustouflante scène du film, celle qui devrait récolter les applaudissements de la part du public est à la fois comique, profonde et surréaliste : l’évasion de Magneto de sa prison hautement sécurisée et notamment le tour de force d’un nouveau venu, Quicksilver, un jeune homme qui se déplace à une vitesse prodigieuse. Techniquement parfaite, la scène résume très bien la réussite entière du film : proposer un spectacle aux effets spéciaux étonnants tout en donnant chair et âme à des personnages en plein conflit.

DOFP (en abrégé) est un spectacle intelligent basé sur les relations interpersonnelles : rancœur, désamour, haine sont le moteur de ce récit, plus qu’un quelconque McGuffin abstrait et impossible à investir émotionnellement.

Pour en revenir à l’écriture : ce qui fait de DOFP un grand film, c’est qu’il est tributaire des évolutions en matière d’écriture et notamment la montée en puissance des séries et de leur modèle de narration. Ce volet des X-Men puise ainsi sa force dans le fait qu’il n’ignore pas les autres films, mais intègre tout ce passé, et de ce fait, crée un lien très fort avec son audience. Au lieu de s’attarder sur des références méta (à la manière de Scream), DOFP intègre toute la mythologie cinématographique X-Men pour conclure de la plus belle manière : la promesse de plus, l’envie en tant que spectateur que l’écran ne s’assombrisse pas pour que l’on puisse découvrir immédiatement la suite des événements.

X-Men : Days of Future Past, de Bryan SingerCette écriture sur le long terme (dérivée naturellement des séries) paye énormément pour DOFP. Il y aurait pleins d’autres choses à saluer dans ce film superbement bien monté et très bien réalisé : la qualité du jeu d’acteur, les effets spéciaux, les Sentinelles qui sont de redoutable méchants, absolument terrifiants… Et cette incroyable peur de la mort, de la Fin, qui est présente en filigrane tout le long du métrage, cette angoisse que tout puisse soudainement s’arrêter et qu’aucun pouvoir, ni humain, ni mutant n’y puisse rien faire…

Alors, peut-on changer l’avenir en modifiant le passé ? La réponse du film est simplement que tout est écriture. Les X-Men écrivent leur propre histoire à la force de leurs pouvoirs et dans ce volet ils vont jusqu’à refaire l’Histoire. Car de tous les superpouvoirs, celui d’inventer des histoires, de les réaliser est le plus important, le plus mystérieux et le plus puissant. X-Men : Days of Future Past est une ode à l’écriture, à la force indomptable de l’imaginaire. Ambitieux, épique et intelligent, le film est une réussite totale, un des plus intéressants et plus enthousiasmants films de 2014.

 
X-Men : Days of Future Past de Bryan Singer, avec Hugh Jackman, James McAvoy, Michael Fassbender, Jennifer Lawrence, Omar Sy… Etats-Unis, 2014. Sortie le 21 mai 2014.