Un homme irrationnel, de Woody Allen

 

Présenté hors compétition au 68e Festival de Cannes

Un homme irrationnel, de Woody AllenQui ?
Comment ça, « qui ? » ? On ne va quand même pas vous faire l’affront de vous rappeler qui est Woody Allen. L’homme qui a appris à l’auteure de ces lignes à aimer le jazz, le noir et blanc, les squelettes dans le fond des salles de classe, l’ironie, le burlesque discret – oxymore difficile à réussir –, et les intellos verbeux – pléonasme en revanche très répandu, mais pas toujours à la hauteur. Le Benjamin Button de Manhattan, qui semble rajeunir à chaque film depuis qu’il ne joue plus dedans. Intéressons-nous plutôt à Woody Allen et Cannes. Il y présente son douzième film. Ce qui fait peut-être beaucoup pour les fans de l’interjection « abonné ! », mais relativement peu pour la petite cinquantaine de films qu’il a réalisés. Seulement un quart. Pas terrible, hein, finalement. Refusant toujours d’être en compétition, il y a présenté le meilleur (Manhattan, Hannah et ses sœurs, Match Point), et le… disons moins meilleur (Hollywood Ending, Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu). Impossible donc, de savoir de quelle teneur sera ce millésime 2015, si ce n’est l’adage selon lequel un « mauvais » Woody Allen, c’est toujours mieux qu’un bon qui-vous-voulez. La fantaisie sans retenue, les grands numéros d’actrices, la lumière toujours étincelante, la misère de la bonne société… La livraison annuelle de Woody Allen, c’est l’art de varier sur le même thème, selon les humeurs et l’air du temps, variant les genres et les registres avec la même aisance. Un regard porté sur les petits et grands tracas contemporains.

Quoi ?
Avec Un homme irrationnel, son 45e film, Woody Allen semble retrouver ses fondamentaux : un professeur d’université dépressif (Joaquin Phoenix), deux maîtresses jeunes et jolies (Emma Stone – déjà à l’affiche en 2014, de Magic in the Moonlight – et Parker Posey), et sans doute une inspiration philosophique : Irrational Man renvoie à l’ouvrage de William Barrett, une introduction didactique à l’existentialisme pour le grand public américain des années 1950 et certainement un livre de chevet du jeune Woody. Pour la suite, impossible de savoir, d’après le synopsis, vers quel genre se tourne le cinéaste à lunettes. Il y est question de la conversation surprise d’un étranger, d’une « décision cruciale » et de conséquences qui marqueront les personnages « à tout jamais ». Outre l’emphase habituelle de ce genre d’exercice, on y décèle l’histoire d’un homme qui s’affranchit de son destin et reprend sa vie en main. Mais par quel moyen ? En bon disciple de Dostoïevski, on sait qu’avec Woody Allen, le crime et le châtiment ne sont jamais bien loin.

 
Un homme irrationnel (Irrational Man) de Woody Allen, avec Joaquin Phoenix, Emma Stone, Parker Posey, Jamie Blackley… Etats-Unis, 2015. Sortie le 14 octobre 2015.