Two Lovers and a Bear, de Kim Nguyen

 

Froid dans le dos et chaud au cœur

Two Lovers and a Bear, de Kim NguyenQuelque part dans l’Arctique, entre deux aurores boréales. Dans ce village cerné par des dunes de glace, des hommes et des femmes ont choisi d’y vivre, comme si de rien n’était. Si ce n’est que hormis de conduire des voitures, il s’agit de motos-neige et que l’hôpital le plus proche est à quelques heures d’avion. Roman et Lucy ont choisi tous deux cet exil de manteau blanc où s’abriter de leurs douleurs du passé. Ils s’aiment encore comme des adolescents, communiquant assez peu en dehors du langage du corps. Mais quand Lucy ne parvient plus à vaincre les démons qui la rongent et décide de retourner dans le sud, Roman la suit. Ils enfourchent leurs motos-neige et vogue l’aventure dans une immensité immaculée qui ne demande qu’à les emporter à jamais.

Il y a plusieurs films dans Two Lovers and a Bear, le nouveau long du Canadien Kin Nguyen à qui on doit le remarqué Rebelle en 2012. Ici, une histoire d’amour au goût d’impossible (Lucy doit partir, Roman ne l’accepte pas au début). Là, un drame de la vie quotidienne, rongée par l’alcool. Là encore, une comédie (les policiers semblent tout droit sortis du Fargo des frères Coen) ou de l’absurde (Roman discute philosophie et sens de la vie avec un ours blanc… qui lui répond). Le tout pour s’achever dans une aventure de l’extrême mâtinée de fantastique et de thriller angoissant avec fantômes qui ressurgissent et lampes-torches dans une base militaire abandonnée, comme dans un épisode d’X-Files. Ce qui pourrait désarçonner au premier abord les aficionados d’histoires bien ficelées qui ne sortent pas des clous. Ici, rien n’est prévisible.

C’est ce qui fait la saveur de cet ovni cinématographique remarquablement interprété par Dane DeHaan (le nouveau Leonardo DiCaprio, tant par le physique que par la puissance de jeu) et Tatiana Maslany qui passe d’une émotion à une autre en une fraction de seconde. Kim Nguyen continue de forger son univers particulier avec un sens de la mise en scène très travaillé. On n’a jamais vu l’Arctique de cette manière, avec ses cerfs coincés dans une mer gelée, ses paysages lunaires et ses dangers qui rôdent à tout instant. La mort est omniprésente, enveloppe les deux amoureux, prête à les ensevelir. L’ours blanc devient la métaphore d’un démiurge qui avertit Roman de ce qui le guette, comme s’il savait tout ce qui allait advenir. Et le film de se saupoudrer d’une nouvelle couche de neige, avec de la métaphysique. Mais aussi une blague, celle de deux amants, d’un ours et d’une pieuvre qui peut jouer de tous les instruments de musique. Si vous ne la connaissez pas, rendez-vous dans un igloo de fortune mais douillet. Une histoire qui ne donne pas la chair de poule et vous réchauffera le cœur. Un peu comme ce film…

 
Two Lovers and a Bear de Kim Nguyen, avec Dane DeHaan et Tatiana Maslany. Canada, 2016. Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs.