SX Tape, de Bernard Rose

 

J’aime les mauvais films. Vraiment, j’ai beaucoup d’affection pour eux. Pas seulement les nanars, aussi les films ratés, les bouses, les séries Z indéfendables. Peut-être est-ce parce qu’un mauvais film est rassurant. Surtout quand on veut soi-même faire du cinéma. On y voit tous les défauts, on se moque, on rit, on critique, bref, ce n’est pas comme un chef–d’œuvre dont la qualité semble inégalable. Une bonne série B te redonne confiance en toi, ça te booste. Tu te dis « non, je ne ferais jamais ça ! » C’est un moment convivial, un mauvais film se partage, se discute entres amis, ça se déguste. Un chef-d’œuvre, souvent, se regarde comme des peintures dans un grand musée. On apprécie, mais on ne prend pas forcément son pied dans l’univers guindé qui l’entoure.

SX Tape, de Bernard Rose

Bref, tout ça pour en venir à SX Tape de Bernard Rose… Pourquoi critiquer un tel film, qui dès le titre, dès la tagline (« Ne souriez plus… vous êtes filmés ! ») s’annonce désastreux ? Pour le réalisateur peut-être… Car voici celui qui a tourné Candyman, un des plus beaux, des plus poétiques films d’horreur de tous les temps. Un film qui se voit et se revoit avec le même effroi et la même stupéfaction. Un des plus beaux rôles de Virginia Madsen et le rôle le plus célèbre de Tony Tod.
Eh bien, de Candyman il ne reste rien, absolument rien dans SX Tape. Loin de la beauté plastique de Candyman, SX Tape vogue sur la mode des films found-footage tournés caméra au poing. C’est donc moche, ça tremble et rien ne justifie le fait que le personnage continue de filmer. D’ailleurs, dans ces films il y a toujours un moment où quelqu’un ordonne au caméraman d’arrêter de filmer. Il ne le fait pas, of course. Et pourtant, le spectateur est souvent en phase avec cette injonction…

SX Tape, de Bernard Rose

Il est question d’un couple de pseudo-artistes qui veulent organiser un vernissage dans un hôpital abandonné et aussi filmer leurs ébats. Ni l’un ni l’autre n’a lieu. Mais ces prémices aussi fines qu’absurdes nous permettent d’élaborer une théorie farfelue. Peut-être que l’idée du film était de parler de la société pornographique actuelle en juxtaposant deux formes de pornos. La sextape en question et cette tendance récente des photos de lieux abandonnés, que l’on appelle aussi « abandoned porn ». ça ne tient pas, mais le film non plus, alors je ne vais pas me gêner…
Facilité du décor, car ces lieux abandonnés ont toujours un cachet, un reste d’âme qui passe très bien à l’écran, mais qui n’est jamais ou rarement exploité au-delà de l’aspect esthétique. Il s’agit juste d’un décor, le lieu n’est pas un « personnage en soi » comme les cinéastes aiment le dire.

SX Tape, de Bernard Rose

Dans SX Tape l’hôpital est donc une succession de couloirs, de pièces, de sous-sols filmés sans aucune inspiration, pour illustrer un scénario bourré de clichés et de personnages tous (absolument TOUS) antipathiques. La fin du film est incompréhensible et ridicule, si vous tenez jusque-là, ce qui en soi est un exploit (oui, je m’auto-félicite).

SX Tape, de Bernard Rose

Alors, oui, les mauvais films, je suis preneur. Je me dis même parfois qu’on devrait en utiliser à des fins pédagogiques dans les écoles de cinéma ou à la fac pour enlever ce côté sacro-saint aux études de cinéma : tenez, le ciné, c’est aussi ça. Pour montrer à des étudiants ce qu’il ne faut pas faire, au lieu de les gaver d’illustres chefs-d’œuvre à analyser.

SX Tape, de Bernard Rose

Mais je ne montrerai pas SX Tape. Parce qu’il n’est pas intéressant, ni éducatif et que j’en veux personnellement à Bernard Rose d’avoir tourné un long-métrage aussi ennuyeux et inutile. Et pour finir avec les mots d’un collègue de la presse américaine qui a trouvé, je pense, la formule adéquate pour conclure une critique de cette infamie : Seriously, fuck this movie.

 
SX Tape de Bernard Rose, avec Caker Folley, Ian Duncan, Daniel Faraldo… Angleterre, 2012. Sortie DVD le 2 juillet 2014.

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