Maximum Bordelum !

 

Pour cet hiver, nous vous proposons trois films noirs dont le splendide Des Pas dans le brouillard, une palanquée de westerns dont le génial Le Salaire de la haine, une rareté avec Overlord et puis plein de bijoux à consommer sans modération. On vous gâte, mais on vous gâte bande de petits veinards !

 
Des pas dans le brouillardDes pas dans le brouillard réalisé par Arthur Lubin avec Stewart Granger, Jean Simmons, Bill Travers…

Assassin de sa femme, Stephen Lowry joue de manière si convaincante les veufs éplorés que ses proches croient à son deuil. C’est désormais de sa jeune domestique qu’il lui faut se débarrasser, celle-ci ayant découvert une preuve contre lui. Elle s’en sert habilement pour obtenir ce qu’elle désire. A ses risques et périls.
Ah, que l’on s’y sent bien dans Des pas dans le brouillard ! Un peu comme dans une paire de charentaises ! Le technicolor d’une beauté à tomber à la renverse nous fait penser qu’avant, bah c’était le bon temps ! Des décors somptueux, une ambiance so chic des plus cosy, un brouillard épais qui donne l’envie de se faire une bonne soupe à l’oignon… vous adorerez l’atmosphère générale. Et puis vient le crime horrible et le chantage qui ne l’est pas moins. Et quel chantage ! L’homme de la maison, le vil assassin, le salaud de service, se fait manipuler par sa domestique. Tel est pris qui croyait prendre par la petite boniche ! On la pensait toute frêle, effacée et la voilà qui se transforme en maîtresse femme. Lequel des deux commettra la première erreur ? On attend avec impatience le moment fatidique où les masques tombent. Non seulement c’est beau à regarder mais c’est bourré de suspense ! Des Pas dans le brouillard est un long-métrage qui ne nuit pas à la santé.

Lutte sans merciLutte sans merci réalisé par Philip Leacock avec Alan Ladd, Rod Steiger, Dolores Dorn…

Agressé et blessé par cinq loubards, l’ingénieur Walt Sherill exige justice. L’enquête de la police étant trop lente à son goût, il prend lui-même les choses en main, de plus en plus aveuglé par une soif de vengeance qui lui fait perdre son emploi et met ses proches en danger.
Lutte sans merci est un film sec, sans concessions, une descente aux enfers qui par bien des aspects annonce la saga du Justicier dans la ville. Alan Ladd et Rod Steiger, toujours sur le fil du rasoir, se tirent une bourre de première catégorie. Le premier veut en démordre avec ses agresseurs quand le second ne pense qu’à faire respecter la loi. Lutte sans merci annonce sa radicalité. Tout ce qui entreverra le désir de vengeance de Walt Sherill passera au rayon des pertes et des profits. Dans le genre, c’est un film noir plutôt viril et rentre-dedans. Parfait pour une fin de semaine.

Nimitz, retour vers l'enferNimitz, retour vers l’enfer réalisé par Don taylor avec Kirk Douglas, Martin Sheen, Katharine Moss…

1980. Au cours d’une mission de routine dans le Pacifique, le porte-avions nucléaire USS Nimitz est pris dans une tempête électromagnétique. Peu après, le bâtiment capte sur la radio des émissions datant de 1941, parmi lesquelles des informations concernant la progression de l’armée allemande en URSS et les photos ramenées par les avions de reconnaissance montrent le port de Pearl Harbor intact. Dans le même temps, deux avions de chasse « Tomcat » abattent deux chasseurs japonais « zéro », après que ces derniers eurent attaqué un yacht à bord duquel se trouvaient un sénateur américain et sa secrétaire. L’équipage de l’USS Nimitz se retrouve confronté à un dilemme : laisser l’attaque de Pearl Harbor se réaliser ou bien intervenir au risque de changer le cours de l’histoire ?
Voilà du made in 100 % America ! Nimitz est un film culte des années 1980. Culte parce qu’il représente l’Amérique, Hollywood et les forces armées dans toute sa splendeur. Culte parce qu’il est aussi boursouflé, maladroit et lourdingue que super divertissant. Au bout du compte, c’est un drôle de film comme un énorme épisode de La Quatrième Dimension. Aujourd’hui, il paraît un peu vieillot. Un peu con aussi. Limite kitsch. Comme moi. Mais il est culte et ça, ça change tout.

Allô... brigade spécialeAllô… Brigade spéciale réalisé par Blake Edwards avec Glenn Ford, Lee Remick, Stephanie Powers…

Caissière dans une banque, Kelley Sherwood est harcelée par Garland Lynch, un psychopathe qui, par tous les moyens, cherche à lui faire voler 100 000 $. Quand celle-ci s’adresse à la police, Lynch kidnappe sa jeune sœur…
Allô… Brigade spéciale est d’une classe absolue. Blake Edwards, qui n’a rien du tâcheron de service, impose sa patte pour donner à son film ce contraste clair-obscur typique des films noirs. Le cinéaste, déjà rompu à la comédie, a su sortir de sa zone de confort. Comme le fait remarquer Bertrand Tavernier dans les bonus, il y a des plans tarabiscotés qui ne sont pas vraiment heureux. On comprend qu’ils suggèrent des états psychologiques tendus amis Edwards aurait pu se passer de ces effets de manche. La musique magnifique d’Henry Mancini balaye d’un revers de la main ces petits défauts de mise en scène. Les notes du maître ont un tel pouvoir d’attraction qu’elles arrivent à rendre n’importe quelles séquences comme LA séquence maîtresse. Allô… Brigade spéciale joue sur les faux-semblants de ses protagonistes comme s’il fallait s’en méfier comme de la peste et ce, jusqu’à la dernière minute. C’est le genre de film qui met les nerfs en pelote. C’est ça qui est bon !

L'Homme de la plaineL’Homme de la plaine réalisé par Anthony Mann avec James Stewart, Arthur Kennedy, Donald Crisp…

Ancien capitaine de cavalerie, Will Lockhart ne poursuit qu’un but dans la vie : démasquer celui qui, en livrant des armes à des Apaches rebelles, a provoqué la mort de son jeune frère. Il le découvre en Alec Waggoman, un propriétaire prêt à tout pour étendre son ranch…
L’Homme de la plaine est un très grand western sorti en 1954 en plein âge d’or du genre. Chapeau Anthony Mann ! Chapeau tyrolien Philip Yordan ! Il y a comme dans tous les grands films une possibilité de double lecture. En effet, l’intrigue n’est pas manichéenne pour un sou car les personnages conservent en eux assez de complexité pour qu’on se perde sans s’en rendre compte dans le camp du Bien et dans le camp du Mal. C’est quand on foule cette fameuse zone d’incertitude que l’on ne sait plus trop qui est le salaud du bon gars ! Pour les grands artistes, rien ne doit reposer sur l’évidence (bah oui sinon, ça fait un film tout pourri !). L’Homme de la plaine a du cœur, du corps, du souffle et de l’esprit. C’est un morceau de choix pour tout cinéphage qui se respecte.

Représailles en ArizonaReprésailles en Arizona réalisé par William Witney avec Audie Murphy, Michael Dante, Ben Cooper…

A la fin de la guerre de Sécession, Clint Stuart, un ancien soldat sudiste, accepte le marché que lui propose le capitaine Andrews. Plutôt qu’une longue condamnation aux travaux forcés, il intègre une milice chargée de mettre hors d’état de nuire ceux qui n’ont pas renoncé au combat. Parmi eux, ses anciens frères d’armes…
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, Audie Murphy se taille la réputation du soldat américain qui aurait tué le plus grand nombre de soldats allemands. Alors quand l’acteur enfile la tenue du sudiste déchu de ses droits qui a pour mission de mettre hors d’état de nuire ses anciens frères d’armes, on imagine sans peine son implication. Et ça se voit ! Représailles en Arizona n’est pas le western des familles qu’on se regarde sous la couette un dimanche après-midi pluvieux. C’est une histoire cruelle sur les remords et le sens de l’honneur. Avec Représailles en Arizona, on nous raconte un pan peu glorieux de l’histoire américaine, mais qu’il faut découvrir.

Le Salaire de la haineLe Salaire de la haine réalisé par Paul Wendkos avec Fred MacMurray, Lin McCarthy…

Jim Larson s’évade du train qui le conduisait au pénitencier. Son frère qui l’a rejoint dans cette opération est blessé et meurt. Jim se cache alors dans une petite ville et prend le nom de Kincaid mais les affiches portant son visage doivent arriver, ce qui l’obligera à fuir ou à se battre. Ne pouvant quitter la ville dont la passe est gardée, Jim se décide à aider le shérif Riley qui a des ennuis avec Reed Williams et ses hommes, désireux de clôturer les pâturages.
Le Salaire de la haine est mon coup de cœur de cette rentrée ! Un véritable coup de cœur. Pourquoi cette histoire de « grand mensonge » est-elle aussi géniale ? Parce qu’il n’y a aucun temps mort, que le suspense est savamment distillé et la réalisation ultra-efficace. Fred MacMurray joue les durs avec assez de sensibilité et de panache pour susciter une empathie immédiate même avec son passé de fieffé salaud. Et pourtant, on se méfie. Une étincelle, un mauvais geste ou une parole en trop pourrait tout fiche par terre. On comprend que cet antihéros représente l’Amérique sauvage, le mauvais gars au cœur tendre qui aurait pu dans une autre vie davantage traîner ses bottes du coté de la loi et devenir un héros national. Le Salaire de la haine remue les tripes. Tout le film parle d’amitié et d’amour. Une amitié et des amours impossibles. Un très grand western.

Terre de violenceTerre de violence réalisé par Nathan Juran avec Fred MacMurray, Robert Vaughn…

Ben Cutler, ancien shérif et désormais responsable d’une compagnie de diligence, voit The Kid tuer le shérif Cain. Il prend le poste du shérif, poursuit The Kid, le blesse et le capture. Le jeune homme est condamné à être pendu sur le témoignage de Cutler. Mais Laurie, la propre fille de Cutler qui aime The Kid, et Ruth Granger, une jeune veuve que Cutler doit épouser, refusent de croire à la culpabilité du jeune homme. Une partie de la ville trouve d’ailleurs Ben beaucoup trop dur. The Kid veut se servir de Laurie comme d’un bouclier et s’évader…
Terre de violence n’usurpe pas sa belle réputation de western psychologique. Mieux, il ne cesse de surprendre par l’originalité de ses séquences. L’introduction en est le plus bel exemple car à peine commencée elle prend déjà à revers les spectateurs. Terre de violence explore la complexité de la nature humaine. Nathan Juran (décorateur sur Qu’elle était verte ma vallée et récompensé par un oscar) nous propose une étonnante analyse sociale entre les individus et la communauté civile. L’intrigue évoque très justement les limites de la liberté dans une Amérique où les hommes de loi peinent à se faire respecter. Fred MacMurray et Robert Vaughn assurent comme des bêtes ! Un western fort et éprouvant.

Feu sans sommationFeu sans sommation réalisé par Sidney Salkcow avec Audie Murphy, Ted de Corsia…

Clint Cooper, un jeune tireur habile, a quitté son foyer voici quelques années déjà. A l’époque, il avait abattu, au cours d’un duel, le fils irascible d’un fermier. Mais le temps a passé et Clint est prêt à réintégrer le ranch familial. Il espère surtout retrouver la belle Helen Reed. Mais sur le chemin qui le ramène chez lui, il croise une bande de hors-la-loi qui s’apprête à attaquer la ville voisine, momentanément privée de ses hommes, partis escorter un troupeau de bétail. Sollicité par le shérif de la bourgade, un vieil ami à lui, Clint décide de lui prêter main-forte…
Nous sommes en 1964 et Audie Murphy vit les dernières heures d’une longue et riche carrière. Feu sans sommation n’est pas un mauvais western, loin de là, il est juste insipide. Son intrigue aussi épaisse qu’un annuaire (dans le film, Audie Murphy a mille choses à faire !) n’a que peu d’intérêt car tout ce qu’entreprend le héros, il le réussit en deux coups de cuillère à pot. Même le pitch du film ressemble à un inventaire à la Prévert. Pour l’un de ses derniers films, Murphy joue au jeune premier. C’est étrange comme choix. Toutefois, en 25 ans de carrière, l’acteur a gardé cet incroyable air juvénile qui fera son succès. Une série B sans grand intérêt.

Le Sabre et la FlècheLe Sabre et la Flèche réalisé par André de Toth avec Broderick Crawford, Barbara Hale, Johnny Stewart…

Survivants d’un raid des Comanches du chef Nuage Noir, six soldats prennent la direction du fort le plus proche. En cours de route, ils sauvent les passagers d’une diligence d’une nouvelle attaque indienne. Tous se réfugient dans une mission espagnole bientôt assiégée…
Avec Le Sabre et la Flèche, André de Toth n’a pas réalisé son meilleur western. La faute à une histoire toute pourrite ! Bref, c’est assez mal écrit et les acteurs qui manquent singulièrement de charisme jouent comme des truffes. Tout est ennuyeux. Il n’y a pas d’enjeu, aucun suspense, rien à se mettre sous la dent. Dans le même genre et en mille fois mieux, revoyez plutôt Quand les tambours s’arrêteront d’Hugo Fregonese.

 
 
OverlordOverlord réalisé par Stuart Cooper avec Brian Stirner, David Harries, Nicholas Ball, Julie Neesam…
Overlord est le nom de code du débarquement de Normandie en 1944 ; le film mêle habilement des séquences filmées pendant la guerre à l’histoire d’un jeune soldat anglais au sein du Débarquement. Overlord est une plongée vertigineuse et inédite dans l’enfer de la guerre.
Projeté et récompensé au festival de Berlin en 1975, Overlord est un film rare qui ne l’est plus. Stuart Cooper, qui voulait d’abord réaliser un documentaire sur le Débarquement s’est finalement décidé pour un long-métrage qui mêlerait fiction et images d’archives.
Overlord, c’est l’exact contraire du Jour le plus long. Au lieu d’accompagner dix mille hommes au combat, on se cantonne à suivre la préparation mentale d’un jeune soldat avant d’être les témoins de sa longue descente aux enfers. Entre les images d’archives, le travail de John Alcott sur le noir et blanc et le ton d’ensemble qui privilégie la psychologie plutôt que l’action, Overlord s’apprécie comme une expérience sensorielle tout à fait unique. Pourquoi l’a-t-on boycotté ? Tout simplement parce qu’il émet une virulente critique contre les puissants qui se servent de la jeunesse comme de la chair à canon. C’est un film coup de poing qui rappelle les œuvres critiques de Samuel Fuller.

Peau de bananePeau de banane réalisé par Marcel Ophüls avec Jean-Paul Belmondo, Jeanne Moreau…
Cathy n’est pas femme à passer l’éponge… Son père ruiné par un tandem d’hommes d’affaires véreux, elle se jure de leur rendre la monnaie de leur pièce en les jetant sur la paille. Pour ça, elle recrute deux filous professionnels et Michel, son ancien mari. Si le plan semble avoir merveilleusement fonctionné, Cathy et Michel découvrent vite qu’ils se sont trompés de proie, et, souhaitant garder le butin rien que pour eux, faussent compagnie à leurs complices. Une erreur qu’ils n’entendent pas reproduire lorsqu’ils repèrent l’autre escroc qu’ils recherchaient…
Peau de banane est une comédie virevoltante et joyeuse comme sait si bien les goupiller Claude Sautet. En effet, il y a une patte Sautet (scénario et dialogue) reconnaissable. Jean-Paul Belmondo joue au chat et Jeanne Moreau à la souris. Un film divertissant, comme on dit dans Téléstar.

ZorroZorro réalisé par Dulcio Tessari avec Alain Delon, Stanley Baker, Moustache et le grand Cedrico Janetti…
Son ami Miguel assassiné, Don Diego de la Vega se jure de le venger. Sous son identité, il prend les fonctions de gouverneur du Nouvel Aragon, une province que le despotique colonel Huerta rançonne, éliminant tous ses opposants et régnant par la terreur. Si Don Diego joue les aristocrates frivoles et poltrons, c’est pour mieux affronter l’ennemi derrière le masque de Zorro, un cavalier qui, surgissant de nulle part, ridiculise l’armée et pousse les paysans à la révolte. Rusé, Don Diego propose même à Huerta de servir d’appât dans le piège que celui-ci tend à l’insaisissable justicier.
Le pitch est super long mais l’avis le sera un peu moins. Ce Zorro, qui a fait les beaux jours du service public dans les années 1980, n’a pas autant vieilli qu’on peut l’imaginer. La mise en scène pleine de pep’s de Dulcio Tessari contient en un plan plus d’idées que celles des tâcherons d’aujourd’hui, incapables de faire pivoter leur caméra sans avoir au préalable incrusté deux mille effets spéciaux. Alain Delon incarne un charismatique Don Diego de la Vega. Lui aussi avait une sacrée gueule ! Et personne ne l’a remplacé. Pas même Franck Dubosc ! Mention spéciale pour Moustache, jazzman qui a fait les belles soirées d’Eddy Barclay, absolument bidonnant en sergent Garcia. Ce Zorro-là, on le goûte comme une madeleine de Proust.

Tous les films sont disponibles en DVD et blu-ray chez Sidonis Calysta.