Polars, classiques et thrillers de fin d’année

 

Oyez oyez braves gens ! Voici quelques belles idées cinéma pour la fin d’année. Pour lire cet article, vous n’aurez ni besoin d’être vacciné ni de pass sanitaire. Toutefois, vous devrez porter une paire de charentaises rouges et vertes et vous resservir un verre de vermouth à chaque chronique. Pourquoi ? Parce que c’est comme ça !

 

Duel au soleil

Contre toute attente réalisé par Taylor Hackford avec Jeff Bridges, Rachel Ward, James Woods…

Contre toute attenteBlessé, le joueur de football américain Terry Brogan tombe sous le coup d’une sanction sévère : son équipe le congédie ! Sous la pression de Jack Wise, un bookmaker véreux qui en sait beaucoup sur ses tricheries, Terry accepte de se lancer sur les traces de Jessy Wyler. En possession de 50.000 $ volés à celui qu’elle fuit, cette dernière se réfugie au Mexique. Quand Terry lui met la main dessus, il en tombe amoureux. Une erreur à ne pas commettre…
Quel plaisir de voir Contre toute attente dans des conditions optimales ! Le cinéaste chevronné Taylor Hackford (L’Associé du diable, Officier et Gentleman, Dolores Claiborne…) livre un thriller romantique coloré et nerveux habité par de sacrés gueules. Le solaire Jeff Bridges, le lunaire James Wood, le buriné Richard Widmark et la ténébreuse Rachel Ward nous entraînent dans une course poursuite haletante autour des grands boulevards de Los Angeles et des plages sauvages du Mexique. Ce remake très libre des Griffes du passé de Jacques Tourneur réussit le tour de force à renouveler une œuvre originale (avec Robert Mitchum et Kirk Douglas, excusez du peu!) déjà puissante. Faire s’affronter Jeff Bridges et James Woods, si différents, est une trouvaille géniale. D’ailleurs, la scène où Woods en Ferrari et Bridges en Porsche se tirent la bourre sur Sunset Boulevard reste comme l’une des plus belles courses de voiture jamais filmée. Si le film est un peu tombé dans l’oubli, il marqua toute époque et notamment par sa bande originale. Taylor Hackford, grand mélomane, sut tirer parti de sa passion pour la musique, concoctant un score hallucinant mêlant le tube planétaire de Phil Collins “Against All Odds”, Peter Gabriel, les Fleetwood Mac, le guitariste virtuose Larry Carlton au cultissime compositeur français Michel Colombier. N’hésitez pas à revoir ou découvrir cette pépite du cinéma américain des années 1980.
Disponible en combo DVD/blu-ray chez Sidonis Calysta.

 

Sur la piste des géants

La Caravane de feu réalisé par Burt Kennedy avec John Wayne, Kirk Douglas…

Dépossédé de ses mines d’or par Franck Pierce, Taw Jackson entend bien se venger à sa sortie de prison. Pour se faire, il réunit une équipe dont Lomax, tueur à gages et spécialiste des coffres-forts, pour attaquer la diligence blindée, dans laquelle son ennemi juré transporte l’or de ses terres vers El Paso. Une entreprise risquée, car le fourgon blindé est équipé d’une puissante mitrailleuse…
La Caravane de feu est un petit western nerveux qui joue plein pot sur la connivence entre ses deux légendes. Et ça marche. Derrière le sujet sensible sur la spoliation des terres, John Wayne et Kirk Douglas s’amusent à se défier sans s’affronter. On peut être un peu gênés aux entournures quand des sujets difficiles ne sont pas traités avec les égards qui leur sont dus mais La Caravane de feu ne se moque de rien ni de personne. En fait, c’est un drôle de western. Profond et léger. A découvrir dans une magnifique version.
Disponible en combo DVD/blu-ray chez Sidonis Calysta.

Une Bible et un fusil réalisé par Stuart Millar avec John Wayne et Katharine Hepburn…

Démis de ses fonctions pour avoir fait un usage excessif de la force, le Marshal Rooster Cogburn reprend son insigne pour retrouver des pillards en possession d’une mitrailleuse et d’un chargement de nitroglycérine. Il est accompagné dans cette aventure par Eula Goodnight, une institutrice fille de pasteur au comportement plus pondéré, qui veut venger son père abattu par ces mêmes bandits…
Suite de 100 dollars pour un shérif et remaké par les frères Coen il y a quelques années sous le titre original True Grit (avec Jeff Bridges et Matt Damon), c’est le producteur Stuart Millar qui prend les choses en main sur Une Bible et un fusil pour assurer à John Wayne l’un de ses meilleurs derniers rôles et à Katherine Hepburn un rôle à la hauteur de son talent. Si de nouveau, on prend plaisir à voir John Wayne encombré d’une acolyte, on prend encore plus de plaisir à observer à quel point cette compagne d’infortune fait avancer l’histoire dans le bon sens. Dans cette saga inspirée par le roman de Charles Portis, John Wayne n’a jamais été la vedette et n’a jamais volé la vedette à Mattis et Eula. Une Bible et un fusil, c’est un chant du cygne aussi divertissant qu’émouvant.
Disponible en combo DVD/blu-ray chez Sidonis Calysta.

 

Sous le soleil de Satan

Nazarin réalisé par Luis Bunuel avec FranCisco Rabal, Marga Lopez, Rita Macedo…

Parce que sa générosité et sa charité n’ont pas de limites, le père Nazarin vit dans une misère profonde. Désavoué par l’Église pour avoir protégé une prostituée soupçonnée de meurtre, Nazarin doit fuir, condamné à une longue errance. Andara, la prostituée, et Beatriz, jeune femme délaissée par son amant, se joignent par une pitié hystérique au sort du prêtre persécuté. Nazarin poursuit son chemin de croix, mais toutes ses tentatives pour prêcher l’amour divin se retournent contre lui.
Présenté au Festival de Cannes en 1959, Nazarin fit polémique. Une polémique sur la croisette ? Rien de bien original me direz-vous ! Surtout que Nazarin obtint le prix du Film International. A l’apogée de sa gloire, Bunuel fut conspué par les critiques et une partie du public qui lui reprochèrent d’avoir viré catho. Ces glandus se trompaient lourdement. Avec Nazarin, Bunuel s’offrait une réflexion sur la foi et l’intégrité d’une rare justesse. Si cette histoire de prêtre persécuté, décidé à vivre sa religion comme elle devrait se vivre, c’est-à-dire avec pureté, sacrifice de soi et sans contrepartie, hérissa autant le poil des athées que des cathos, c’est bien qu’elle visait juste et qu’elle vise encore juste. Comme Pialat avec Sous le soleil de Satan et Pasolini avec L’Evangile selon Saint-Mathieu, Bunuel confronte l’église du cœur à celle du Vatican, l’intégrité contre la corruption. Nazarin est une œuvre simple et pure comme son anti-héros, loin des films surréalistes qui firent la renommée du cinéaste. La lumière et les paysages mexicains nous transportent sur le sentier de l’illumination.
Disponible en blu-ray chez Elephant Films.

 

Polar au noir

La Clé de verre réalisé par Stuart Heisler avec Alan Ladd, Veronica Lake, Brian Donlevy…

À l’approche des élections, un homme politique nommé Paul Madvig est soupçonné dans le meurtre du fils du sénateur Henry et doit subir une campagne de presse hostile orchestrée par son ennemi, Nick Varna. Sa propre sœur, Opal, ainsi que la fille du sénateur, Janet, proclament sa culpabilité. Ed Beaumont, son bras droit, en vient à mener sa propre enquête sur l’affaire.
Ce film noir joue avec nos nerfs. En effet, nous assistons durant 85 minutes au bal des faux-culs et des faux-semblants où les participants cherchent à savoir qui sont les plus faux-culs dans tous ce fatras de faux-semblants. La Clé de verre n’est pas un thriller parfait, loin s’en faut. On peut s’y paumer si tant est qu’une envie pressante nous prenne ! Voilà une œuvre du Hollywood Classic aussi sympa que clichouille !
Disponible en blu-ray chez Elephant Films.

Les Yeux de la nuit réalisé par John Farrow avec Edward G.Robinson, Gail Russell, John Lund…
John Triton est un voyant de spectacle de cabaret. Il exerce en compagnie de Jenny et Whitney, ses deux partenaires. Tout bascule quand John est traversé de visions étranges. Plusieurs de ses prédictions se révèlent exactes. Quand il voit que Jenny, dont il est fou amoureux, va mourir lors de son premier accouchement, il se retire du monde. 20 ans plus tard, il tombe nez à nez avec la fille de Jenny, devenue orpheline…
Mais en voilà une de jolie pépite ! Les Yeux de la nuit est une preuve que des petites productions peuvent être de beaux bijoux. Mise en scène, lumière, montage, interprétation, tout est à l’avenant et efficace au possible. Le film, qui se situe au lisière du polar et du fantastique, est un exemple de sobriété et d’intelligence. Et ce, sur une durée très courte. Si cette histoire de medium n’était pas gagné d’avance, on applaudit des deux mains une intrigue qui ne perd jamais le fil de son histoire et sa galerie de personnages qui ne se désincarnent pas au bout de 25 minutes. Voilà une œuvre très conseillée.
Disponible en blu-ray chez Elephant Films.

La Grande Horloge réalisé par John Farrow avec Ray Milland, Charles Laughton, Maureen O’Sullivan…

Le meilleur reporter d’un grand magazine enquête sur un homicide avec d’autant plus d’empressement que tout concourt à le désigner comme l’assassin lui-même.
La Grande Horloge est un petit film noir torturé. Torturé par une absence de manichéisme de bon aloi et tout à fait réjouissante. Heureusement d’ailleurs ! Policiers, journalistes, femmes du monde, rien ni personne n’inspire confiance dans cette histoire de complot et de jeux des pouvoirs. La Grande Horloge est un peu plan-plan et loin d’être le meilleur film de John Farrow. C’est une curiosité au charme indéniable mais pas vraiment saisissante. On sent le film inachevé où vite fait.
Disponible en blu-ray chez Elephant Films.

Les Mains qui tuent réalisé par Robert Siodmak avec Ella Raines, Franchot Tone, Alan Curtis…

Après une dispute avec son épouse, Scott Henderson, séduisant ingénieur de 32 ans, quitte son domicile et, dans un bar, fait la connaissance d’une jeune femme. Elle accepte sa proposition de passer la soirée ensemble, à condition de ne pas divulguer son identité. À son retour chez lui, Scott Henderson est accueilli par trois policiers qui lui annoncent que sa femme a été étranglée avec l’une de ses cravates. L’enquête menée par la police ne permet pas de retrouver cette inconnue d’un soir et deux témoins affirment avoir vu Scott seul…
Adapté du classique Phantom lady de William Irish, Les Mains qui tuent vaut davantage pour le travail de la lumière de Elwood Bredell que par la réalisation un peu plan-plan de Siodmak et les interprétations compassées et théâtrales de ses comédiens. En fait, on peut rester mitigés devant ce polar qui parfois nous étonne par sa beauté et son aspect vieillot. A découvrir.
Disponible en blu-ray chez Elephant Films

 

Le grand film

L’Héritière réalisé par William Wyler avec Olivia de Havilland, Montgomery Clift, Ralph Richarson…

A la fin du XIXe siècle, Catherine Sloper vit dans une riche demeure de Washington Square en compagnie de son père, un veuf richissime et tyrannique. La jeune fille, timide et sans grands attraits, fait la rencontre du séduisant Morris Townsend lors d’un bal. Le jeune homme lui fait aussitôt une cour empressée. Devenant un habitué de la maison des Sloper, il demande la main de Catherine à son père. Mais, celui-ci ne tarde pas à accuser le jeune homme d’être un coureur de dot et refuse…
L’Héritière est l’un des plus beaux films du cinéaste. Un film somme qui fait référence dans l’histoire du cinéma. Un film qui sur le fond comme sur la forme interroge le spectateur. Une œuvre si précise et intelligente qu’elle en devient interactive. Comme si elle développait une idée par plan. L’Héritière rappelle les grandes études sociales façon Balzac ou Julien Green. C’est un grand huit d’émotions. Étude sociale et étude de mœurs on ne sort pas indemne d’un tel morceau de cinoche.
Disponible en blu-ray chez Elephant Films.

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