Où va la nuit, de Martin Provost

 

Yolande Moreau dans Où va la nuit de Martin ProvostAu bord de sa vie, une femme décide de changer de route. Rose Mayer, la cinquantaine, presque muette à force d’avoir subi les cris, les silences et les coups de son mari – Loïc Pichon, la gueule à vif – décide de le tuer, puis part à Bruxelles rejoindre son fils. Un fils au regard doux et blessé. Tête d’ange d’homme fragile, enfant bousillé. « Tout va aller bien maintenant. Tu vas voir. On va repartir à zéro. » Elle le lui dit comme pour elle-même, en finir avec le passé, effacer les années.

Après Séraphine sorti en 2008, Martin Provost et Yolande Moreau renouvellent leur collaboration autour d’un destin féminin douloureux qui cherche la liberté. Où va la nuit, inspiré de la nouvelle Mauvaise pente de Keith Ridgway, traque celui de Rose.

Yolande Moreau ne parle pas. Elle murmure. Pose son regard si vif avec lenteur. Elle se heurte par bribes, avec douceur, à la modernité d’une vie qui a continué ailleurs et à son passé qui a trop duré.

L’action se passe en Belgique. Commence dans une zone rurale aux paysages plats à la fois trop grands et trop serrés. Puis part à Bruxelles, capitale bruyante, fascinante, colorée, en mouvement permanent. Rose se glisse sans bruit dans ce décalage rythmique. La lenteur qu’elle porte, intérieure, introspective, l’accompagne tandis que le temps presse. Ses murmures se cognent à la vie palpitante autour.

Ce n’est pas tant la culpabilité qui est en jeu, presque hors sujet. Le film trace le chemin d’une femme qui va jusqu’à elle. Trouver les mots pour parler à ceux qu’on aime. Parvenir à ne plus dire ceux tant prononcés qu’ils finissent par ne plus avoir de sens.

Où va la nuit ne pose pas la question. Aucun point d’interrogation sur lequel s’appuyer ne vient donner une direction, un arrondi, ponctuer la course en avant. La nuit finit par trouver le jour sans savoir si elle pourra en profiter un peu. Le film se dessine comme une courbe vers la lumière. Sauvée mais prise au piège, Rose sourit au nouveau jour impossible.

Film attendu, le duo Provost-Moreau sonne juste. Quête acide de liberté d’une femme enfermée par les jours, Où va la nuit se construit comme un puzzle aux pièces manquantes. Les jonctions crissent comme des nerfs éprouvés. Les mots agiraient comme un baume au coeur de la complexité s’ils n’étaient pas suspendus dans cette fuite pour la réconciliation entre une mère et son fils.

Où va la nuit, de Martin Provost avec Yolande Moreau et Pierre Moure. Film franco-belge, 2011. Sortie le 4 mai 2011.

 

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