Noir océan, de Marion Hänsel

 

Noir océan, de Marion HänselNoir océan est un film très bleu, très doux au thème très violent. Nous sommes en 1972. A bord d’un navire militaire français en mission dans le Pacifique, les heures passent lentement dans l’attente d’une quelconque action qui légitimerait leur enchaînement monocorde. Capturés par une distance absolue, éloignés de tout par des plages paradisiaques aux allures de bout du monde, de jeunes garçons mènent des jours orchestrés par la discipline mécanique de l’armée. Des codes, des ordres, des permissions viennent rythmer une vie qui s’étale sous un soleil trop clair, une mer trop calme.

L’amitié. Ces garçons ont 20 ans. Un âge qui n’oublie rien. Ils sont frêles et forts. Des hommes tout neufs. Des hommes enfants. Ils acceptent sans se poser de question, ont l’innocence de l’inconscience, le goût de l’insouciance parce qu’à 20 ans on sait que la vie est à venir, qu’elle se loge dans un présent qui ne pense pas à demain. Il y a Massina, la tête sur les épaules et l’air rêveur. Giovanni, son chien qui n’est pas le sien. Moriarty, le mal-aimé, le grassouillet qui insiste pour recueillir l’affection des autres, tyrannise des poulpes pour se distraire, rit par complaisance, aimerait ressembler aux autres, prend des photos pour les envoyer à sa maman. Parce qu’une photo peut dire même ce qui n’a jamais existé. Il y a surtout Moriarty, plus sombre et solitaire que tous les autres. Plus fragile aussi parce que plus intelligent.

La bombe éclate comme un rêve doré, immense, silencieux. Une lumière éblouissante et belle. Un nuage en forme de champignon. Les jeunes hommes ont un masque pour se protéger les yeux. Comme d’une éclipse. Et plus rien. Seul Moriarty est inconsolable.

De ce film très lent, qui aurait pu être mieux incarné et plus affirmé se détache une profonde tendresse. Celle de ces garçons qui peinent à exister et apprennent à vivre ensemble. Néanmoins, se dégage peut-être le sentiment de rester à la surface, celle d’un océan trop grand ou d’un film qui se perd en longueurs. Reste la vulnérabilité. Celle de l’amitié, de personnages pris dans l’amorce d’une vie, de la planète sacrifiée par des innocents, de la confiance en soi à construire chaque jour. Un film qui montre que les grands événements ne rythment pas la vie. C’est dans le quotidien des heures perdues qu’elle s’inscrit.

Noir océan, de Marion Hänsel, avec Nicolas Robin, Adrien Jolivet, Romain David. France, Belgique, 2010. Sortie le 22 juin 2011. D’après deux nouvelles de Hubert Mingarelli extraites du recueil Océan Pacifique.

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