Neuf mois ferme, d’Albert Dupontel

 

Neuf mois ferme, d'Albert DupontelEt si on imaginait que Neuf mois ferme était le tout premier long-métrage d’Albert Dupontel en tant que réalisateur ? Hein, allez, on fait semblant ! Dans l’univers formaté des comédies à la française des années 2010 qui oscillent entre humour beauf et facile à la Dany Boon ou humour plus subtil, un peu grinçant, mais gentil quand même à la Intouchables, Neuf mois ferme ne peut que détonner, un peu comme un Kervern et Delépine des bons jours, façon Louise-Michel. De l’humour qui fait mal et qui tache, cartoonesque en diable, avec des comédiens qui s’en donnent à cœur joie, Sandrine Kiberlain en tête, toujours délectable à retrouver dans des rôles de femme coincée dépassée par les événements, les ennuis jusqu’au cou, sur le point de craquer nerveusement (et ici, avec un polichinelle dans le tiroir et un (pas si) mauvais bougre aux fesses, évadé de prison et auteur dudit polichinelle). On rirait alors de bon cœur, on trouverait l’idée bien troussée et originale, on s’esbaudirait que Dupontel se soit taillé un rôle sur mesure comme les personnages borderline, peu malins, un pied encore dans une enfance qui ne passe pas et violence intérieure qui ne demande qu’à s’exprimer, qu’il affectionnait tant sur les planches. Oui, mais voilà. Entre-temps, le garçon a réalisé Bernie (chef-d’œuvre d’humour trash qui a bouleversé les codes de la comédie à la fin des années 1990), Le Créateur, Enfermés dehors, Le Vilain et des personnages borderline peu malins, très violents, mais gentils quand même tout au fond d’eux, on a déjà vu et revu. Albert Dupontel a beau s’entourer de comédiens ravis de casser leur image et de se prêter à ses fantasmes cruels et décalés, la pilule, cette fois, totalement inoffensive, a du mal à passer. Tout est fait pour que le spectateur retrouve le décor familier et rassurant d’un film de Dupontel (des gueules impayables, des scènes un peu trash, des répliques mordantes), mais ce qui irrite les narines, c’est l’odeur de renfermé et de naphtaline. Le plat est réchauffé dans un four à micro-ondes défectueux : bien chaud à l’extérieur, mais glacé à l’intérieur. Et quand on a goûté au meilleur, au cheval élevé en plein air et à la bonne avoine, le surgelé discount de lasagnes est une bien triste consolation…

 
Neuf mois ferme de et avec Albert Dupontel, avec aussi Sandrine Kiberlain, Nicolas Marié, Philippe Uchan, Bouli Lanners… France, 2013. Sortie le 16 octobre 2013.

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