Mekong Hotel, de Apichatpong Weerasethakul

 

Mekong Hotel, d'Apichatpong WeerasethakulAuréolé d’une Palme d’or méritée pour Oncle Boonmee en 2010, Apichatpong Weerasethakul revient cette année à Cannes présenter Mekong Hotel hors compétition. La réputation du cinéaste n’est plus à faire : ses films, volontiers contemplatifs, n’empruntent pas la voie cinématographique habituelle. Mekong Hotel ne déroge pas. On y croise Apichatpong lui-même, en compagnie de son compositeur sur le vrai-faux tournage d’un film jamais réalisé, Ecstasy Garden. Le cinéaste n’a pas son pareil pour provoquer l’émoi quand on ne l’attend pas : l’apparition d’une pelleteuse ou celle d’un fantôme thaïlandais (un pob) dévorant un cœur humain suscitent l’émotion, rappellent la nostalgie du metteur en scène pour son pays. Mais à l’inverse d’Oncle Boonmee ou de Tropical Malady, ces courts moments de poésie ne parviennent pas à contrebalancer un propos abstrus. Difficile de comprendre la relation qui unit les mère et fille du film sans connaître au préalable la note d’intention du cinéaste. Dans une scène qui rappelle la séquence dans la chambre de Syndromes and a Century, la fille demande à sa mère, assise à côté d’elle : « Maman, où es-tu ? » A quoi, la mère répond : « Je suis toujours dans la chambre… ça fait six cents ans, maintenant », avant de s’interroger plus longuement sur son existence fantomatique, son propre futur et sa crainte pour celui de la Thaïlande. Malheureusement, ces instants magiques sont rares dans Mekong Hotel, et lorsqu’ils arrivent, l’ennui est déjà installé. Mekong Hotel est-il trop court ou trop long ? Les autres longs-métrages d’Apichatpong bénéficient d’une profondeur mystérieuse et séduisante, quand ses courts font souvent montre d’expérimentations visuelles réjouissantes – Les Fantômes de Nabua en tête. Ici, les 61 minutes du film ne permettent pas de tels partis pris. On acceptera plus facilement Mekong Hotel comme un documentaire que comme une œuvre de fiction, une sorte de making of d’un film jamais tourné – un Lost in La Mancha sous tranquillisants, l’étrangeté en plus. A l’instar de la séquence finale, laconique discussion entre Apichatpong Weerasethakul et son compositeur au sujet des jet-skis qui sillonnent le fleuve : « J’en ai fait une fois, ça faisait agréablement mal au cul. »

 
Mekong Hotel de et avec Apichatpong Weerasethakul. Thaïlande, 2012. Présenté en séance spéciale au 65e Festival de Cannes.

» Retrouvez tout notre dossier dédié au 65e Festival de Cannes