La Maison au bout de la rue, de Mark Tonderai

 

La Maison au bout de la rue, de Mark TonderaiLa Maison au bout de la rue, on la connaît tous. C’est la même que La Dernière Maison sur la gauche de Wes Craven (1972). Le genre de maison loin de l’agitation du centre-ville, à l’abri des regards, dissimulée derrière des arbres. Le genre de maison où, bien sûr, il ne faut pas aller, surtout lorsqu’on sait qu’elle a été le théâtre d’un massacre. Une jeune fille y aurait assassiné ses deux parents. Eh bien on vous le donne en mille. C’est précisément à 50 mètres de cette maison au bout de la rue qu’Elissa (Jennifer Lawrence), ado plutôt dégourdie, et sa mère Sarah (Elisabeth Shue) décident de s’installer dans l’espoir de recoller les morceaux d’une relation bien ébréchée. Mais pourquoi faut-il toujours que les héros de ce genre de film soient aussi dépourvus de sens commun ? Précisément parce qu’il s’agit d’un film de genre. Et de ce point de vue, le réalisateur Mark Tonderai se révèle être un élève très consciencieux. Voir le genre d’enfant modèle, zélé, assis au premier rang et à qui on aurait envie de jeter des pierres.

Car il faut bien le reconnaître, La Maison au bout de la rue ne quitte jamais les rails. Le scénario est sans surprises, marquant scrupuleusement l’arrêt à chacun des ressorts dramatiques attendus. Rien d’étonnant donc à voir notre couple mère-fille emménager dans leur nouvelle demeure, à proximité de la “maison des macchabés”. D’ailleurs la mère d’Elissa n’est pas dupe. Crise immobilière oblige, “c’est grâce à cette maison qu’on peut se payer celle-ci”. Rien d’étonnant encore à ce que la première impression soit plutôt bonne. La maison est belle, le voisinage, aux airs très Desperate, semble sympathique, toujours prompt à se rassembler pour un après-midi barbecue autour de la piscine. Et on ne s’étonne pas non plus lorsque Elissa, contrainte de rentrer seule chez elle, à pied, la nuit, sous la pluie, se retrouve à prendre place côté passager dans la voiture de Ryan (Max Thieriot), le fils taciturne de la famille maudite, seul survivant du drame, et dont les charmes ne laissent pas la jeune fille indifférente. Bref, effectivement, cette Maison au bout de la rue, on y a tous déjà mis les pieds un jour ou l’autre.

La Maison au bout de la rue, de Mark TonderaiMais c’est avec plaisir que l’on y retourne, que l’on en redécouvre les moindres recoins. On a évidemment droit à la séquence d’ouverture tout en images scratchées traversées de gros éclairs. On ne s’épargne pas la visite de la cave où Ryan s’efforce de dissimuler son terrible secret et d’où provient une mystérieuse agitation. Parmi les habitants du coin, on retrouve également l’inévitable shérif, incarné par notre bon vieux Gil Bellows (plus connu pour ses apparitions sur le petit écran). Le flic gentil et serviable qui sympathise avec la mère d’Elissa et dont on sait d’avance qu’il aura beaucoup de mal à finir le film. Côté mise en scène, le réalisateur déroule sa panoplie de petits effets pour des jumpscares réussis. Des coupures de courant à l’incontournable twist final en passant par la putain de lampe torche dont on n’a pas changé les piles avant le tournage et qui du coup s’allume par intermittence, sans oublier le type qu’on croyait qu’il était mort mais en fait non… Bref, a priori pas de quoi s’agripper aux accoudoirs et pourtant, bien que très attendu, tout cela fonctionne parfaitement. Et c’est avec un très grand plaisir que l’on retrouve en tête d’affiche la séduisante Jessica Lawrence, découverte par le grand public dans les récents Hunger Games et X-Men, mais déjà révélée, pour les accros du ciné US indépendant, dans l’excellent Winter’s Bone de Debra Granik en 2010.

“C’est quoi ce scénario ?”, “Même pas peur !”, “Y a même pas de sang !”, “Je l’savais !” On entend et on lit déjà ici et là les multiples quolibets se déverser sur le toit de cette Maison au bout de la rue. Mais si l’on reconnaît volontiers que les mécanismes du récit ne brillent pas par leur originalité, Mark Tonderai tient fermement la barre, en respectant à la lettre le cahier des charges. Et il le fait bien. Les fondations sont solides, le rythme, intraitable, le twist, astucieux. Alors on obéit et on sursaute quand on nous dit de sursauter. Parce qu’au fond, on aime ça.

 
La Maison au bout de la rue de Mark Tonderai, avec Jennifer Lawrence, Max Thieriot, Elisabeth Shue, Gil Bellows… Angleterre, 2012. Sortie le 21 novembre 2012.