Dans cet opéra-rock plein de bruit et de fureur, ce maelstrom d’images fortes, au cœur de cette odyssée absurde que constitue Mad Max : Fury Road, il y a une figure centrale très étonnante, un héros dont la finalité est absolument opposée au mouvement même du film. Celui qui donne son nom au film et qui pourtant ne le révèle que tardivement est préoccupé par une chose : disparaître. Ne pas être là. Où il se rêve, on ne le saura pas. Mais le fait est que Fury Road, c’est l’histoire d’un homme qui lutte pour s’effacer.
Le premier plan nous le montre de dos, on ne distingue pas son visage caché sous des vêtements et une pilosité abondante. Ce sont les Warboys qui vont nous révéler Max et ainsi le forcer à se montrer. Il va ensuite se retrouver littéralement embarqué dans le conflit qui oppose Furiosa (Charlize Theron, qui crée là un personnage inoubliable) et Immortan Joe, la première lui ayant dérobé son plus grand bien, des femmes (des « couveuses », comme on dit dans ce monde…).
Max est là malgré lui, mais il prend parti pour ces femmes, sans jamais se défaire de ses démons (un enfant mort). Il porte en lui une culpabilité trop lourde, un passé trop pesant. Alors, oui, sa rédemption sera de mener à bon port ce convoi improbable, mais au-delà de cette mission, on sent que Max est seul, irrémédiablement seul.
D’où cette sensation étrange d’un film où le personnage principal est « absent » : peu de dialogues, un jeu très renfermé, Tom Hardy compose un héros qui est là pour faire briller les autres en quelque sorte. Et c’est peu dire que George Miller a orchestré une fascinante galerie de personnages…
Mad Max : Fury Road, c’est l’épure et la débauche en une seule œuvre, la mise en relation des extrêmes au sein d’un montage sophistiqué. Le vide et le plein en un seul espace. Un film d’une richesse incroyable et d’une simplicité étonnante. Un film qui hurle la douleur de son héros à travers des larmes de silence.
Mad Max : Fury Road de George Miller, avec Tom Hardy, Charlize Theron, Nicholas Hoult, Zoë Kravitz… Australie, 2015. Présenté hors compétition au 68e Festival de Cannes. Sortie le 14 mai 2015.
Bien d’accord avec toi sur le personnage de Max. Sinon, ce qui m’a beaucoup amusé, c’est de voir que les trois premiers Mad Max avaient abreuvé tous les films et jeux vidéo post-apocalyptiques des décennies suivantes (galerie de personnages décérébrés, lien post-social, cosmogonie – surtout mécanique – impressionnante), et de voir à quel point à son tour, Miller a été cette fois largement influencé par ces mêmes jeux vidéo (cinématiques magnifiques entre deux scènes d’action, couleurs criardes venues de l’animation, images saccadées pour donner du rythme, et bien sûr – malheureusement – un scénario à peu près inexistant). C’est un peu un éternel recommencement, quoi !
Le scénario simple (mais pas simpliste) ne m’a pas dérangé, j’ai trouvé que le film (comme tous les autres de la série) travaille vraiment les archétypes, réduit la dramaturgie au strict nécessaire pour faire naître l’émotion d’une confrontation ultra frontale des concepts incarnés par les personnages. Alors, c’est un peu jeu vidéo, certes, mais autrement mieux réalisé qu tous ce qu’on a pu voir dans le genre depuis… fort fort longtemps.
Quand tu précises que tu t’es beaucoup amusé, c’était avant ou après être sorti avant la fin du film ?
De fait, le scénario qui tient en une ligne peut dérouter. Mais quel orgasme s’embarrasserait de blabla superflu ? Évitant justement de trop se la raconter (un pt’it truc efficace piqué aux séries B), on fonce tout feu tout flamme jusqu’à destination.
Oui, le soleil éclate les couleurs et les amortisseurs de la caméra auraient bien besoin d’une révision. Mais quel culot pour un réalisateur de 70 piges. Éblouissant de maitrise, la chevauchée fait passer Hunger Games pour un épisode d’AB production. De plus, on a toujours le loisir de réfléchir à la mytologie de cet univers punk neo-retro une fois la tempête passée. “Soyez témoins”.
Surtout avant
Oui, Miller connaît son boulot, ce n’est pas pour rien qu’il a réalisé lui-même chaque épisode de la trilogie, et que ça tient la route. Mais enfin, je trouve rarement que l’ajout de quelques lignes de script au cinéma soit “superflu”… C’est d’ailleurs ce qui fait qu’on reste jusqu’au bout d’un film
Moi je n’ajouterai rien à votre débat si ce n’est que les engins, ils étaient beaux. En revanche en lisant ton commentaire Red, je ne comprends toujours pas pourquoi il n’y a pas des papiers signés de ton nom sur ce merveilleux site qu’est Grand Ecart. En plus pour qqn qui pense que le tango est un sport, ici c’est un site d’étirements cinéphiles, tu serais donc tout à fait à ta place !
Bonne soirée….
Yamoïy’
@JNB Qui, du tableau ou du livre, raconte la plus belle histoire ?
Si tu vois une histoire dans un tableau, c’est justement parce que tu le scénarises…