The King of Pigs, de Yeun Sang-ho

 

The King of Pigs, de Yeun Sang-hoBouleversement du règne animal : si dans les années 1940, George Orwell proposait, dans La Ferme des animaux, la métaphore bestiale d’une société dictatoriale où les cochons seraient les dominants, où les chiens leur serviraient de cerbère et où les moutons suivraient instinctivement, Yeun Sang-ho apporte, avec le dessin animé King of Pigs, une autre lecture.
Dans l’univers scolaire ici dépeint, la plupart des élèves, potentiellement de futurs adultes, s’apparentent à des cochons, qui s’engraissent et progressent vers l’abattoir, cependant que des chiens, populaires et autoritaires, les encadrent. Le film narre une année de cinquième vécue par Min et son ami Suk, tous deux brimés par les “chiens” de leur classe. Mais l’arrivée d’un nouvel élève, Chul, plutôt marginal et ultraviolent, redessine la hiérarchie : le rebelle veut devenir le roi des porcs.
Avec ce métrage, comme lors de la sortie de Valse avec Bachir, se pose la question de l’animation pour adulte, et de la problématique de choisir ce format plutôt que la prise de vues réelles. Si le parti pris animé du film israélien tenait en partie à des raisons financières, le choix opéré ici, qui fait de The King of Pigs le premier long-métrage coréen d’animation destiné aux adultes, semble plutôt coller à la nécessité d’une efficacité dans la démonstration.
Car le propos de Yeun Sang-ho s’apparente à une dénonciation brutale des travers de la société coréenne, et plus particulièrement de sa hiérarchisation sociale fortement ancrée dans les salles de classe. Bons élèves, riches, sadiques et inhumains, les “chiens” du film ne peuvent être annihilés dans leur toute-puissance que par une soif de violence plus inextinguible encore que celles, morales et physiques, qu’ils imposent à leur petit camarade.
Malgré un scénario parfois ampoulé (le film raccroche les événements de l’adolescence à des conséquences visibles à l’âge adulte, ajoutant un volet moral noué de grosses ficelles au pan politique de l’histoire), The King of Pigs connote avec vigueur l’impossibilité d’en finir avec la sclérose du phénomène clivant dans le système scolaire.
Ainsi nécessaire dans sa fonction, le film est plus inégal dans sa nature, puisque l’animation manque parfois de fluidité, par comparaison avec la technologie déployée actuellement par les animes japonais. Le recours soudain à l’animation numérique apporte finalement assez peu au caractère visuel du film, qui, assez figé, ne parvient pas à donner à ce scénario réussi un écrin suscitant l’envie.

 
The King of Pigs de Yeun Sang-ho. Corée, 2011. Sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs 2012.

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