The Raid 2, de Gareth Evans

 

Eloge de la baston

The Raid 2, de Gareth EvansEnchaînant directement après les événements du premier film, The Raid 2 nous montre le jeune flic Rama entraîné par son supérieur dans une lutte sans merci contre la corruption policière. Et pour (littéralement) faire tomber des têtes, il est décidé d’infiltrer Rama dans la mafia locale pour identifier et neutraliser les brebis galeuses. Après avoir gagné la confiance du boss de la mafia et son fils, Rama va se retrouver impliqué au sein d’une guerre de gang impitoyable.

Le pari du réalisateur Gareth Evans est clair dès les premières scènes : étendre l’univers de son coup de poing cinématographique The Raid en proposant une intrigue plus élaborée, différents décors et une galerie de personnages plus étendue. Un pari gagnant en termes de mise en scène car celle-ci est toujours aussi dynamique, rythmée et efficace. Gareth Evans se permet même des scènes de courses-poursuites en voitures (une première en Indonésie !) et réussit amplement à remplir son quota de scènes ultra-spectaculaires. Là où le bât blesse, c’est au niveau du scénario. A vouloir trop élargir son univers, Evans s’empêtre quelque peu dans une intrigue assez confuse, décousue car au service d’une dramaturgie sommaire mais explosée sur une multitude de personnages et de décors. Une faiblesse qui est aussi un des points forts du film… Beaucoup de personnages, certes, mais quels personnages ! Tous immédiatement iconiques, tous mériteraient un film à eux seuls ! Trop de décors ? Peut-être, mais exploités au maximum ! Pas un angle qui ne soit pas le cadre d’un coup, d’un fight, d’un face-à-face mortel…

Un cinéma généreux donc, peut-être trop, mais ce genre d’excès se pardonne facilement quand il ne s’agit pas de bavures filmiques tels les Transformers. Il n’y a qu’à prendre en exemple la scène de la baston dans les toilettes au début du film. Rama est dans ce lieu ô combien intime, entouré d’une armée de prisonniers et il va les affronter tous, un par un, deux à la fois… Bref, une scène hallucinante, filmée et montée à la perfection, totalement nécessaire ? Peut-être pas, mais efficace et qui entre parfaitement dans le rythme général du film.

The Raid 2, c’est l’art de la baston à son plus haut degré. Soutenu à la fois par une mise en scène réfléchie, un montage ultra-précis et des acteurs super investis, le film dépasse ses défauts pour devenir un objet filmique hautement jouissif quoique très très douloureux… Chaque coup est ressenti et quand on vous dit qu’ « ils en prennent plein la gueule » ce n’est pas au sens figuré. On a reproché déjà au premier film d’en faire trop niveau violence, Gareth Evans en rajoute une couche. Pure provocation ? Non, un homme qui se bat au sein d’un milieu ultra-violent sera amené à être ultra-violent. A quoi bon adoucir ce qui est l’essence des échanges dans le milieu que décrit le film ? Même si celui-ci est romancé, même s’il est fictionnel ? Personne ne s’attend à un documentaire mais personne n’attend non plus aucune compassion de qui que ce soit dans un univers sanglant, où la vie d’un homme ne vaut pas grand-chose. En cela, le film est le digne représentant d’une génération qui a grandi avec les jeux vidéo (en termes de narration et de déroulement de récit) : le but ultime, c’est d’arriver au boss final, aller au bout de la mission, coûte que coûte. Chaque adversaire est un obstacle que l’on affronte dans un environnement différent, chacun à ses spécificités (combat à mains nues, armes…) et chacun devra être vaincu pour accéder au niveau suivant.

Mais ce qui pourrait se lire comme une adaptation non-officielle d’un jeu « beat’them up » est transcendé par un élément primordial qui insuffle vie et force à ce film hautement divertissant : les acteurs. Certes, l’acteur principal n’est étrangement pas le plus marquant – au niveau du jeu – même si sa présence et son charisme sont indéniables. Arifin Putra qui joue le fils du patron de la mafia indonésienne, singulier mélange physique entre Bruce Campbell et Byung-hun Lee (A Bittersweet Life) irradie l’écran de son charme et de son talent et donne au film tout le pathos dont il a besoin pour être entièrement satisfaisant. Ajoutez à cela Hammer Girl et son frère qui ont en tout trois lignes de dialogues mais dont chaque apparition est inoubliable, Yayan Ruhian qui en une scène ajoute une dimension mélodramatique à son personnage de clodo/tueur à gages et les acteurs japonais dont la dignité et la fierté font ressurgir des souvenirs de Kitano, et vous avez là un mélange furieux et tourmenté, inégal et bouillonnant qui offre un des plus beaux spectacles de 2014.

Toute la force et l’intelligence du film de Gareth Evans est de ne jamais nier son statut de divertissement tout en y ajoutant une couche d’étrangeté très personnelle. Il y a des ratés, mais le tout est soutenu par une rage et une dynamique qu’il est difficile de lui en vouloir complètement : on est gâté, emporté, gavé de cascades et des combats qui dépassent l’entendement, bref : autant en emporte la baston…


Côté bonus du DVD, on est tout aussi fascinés que par le film.
Les bonus de The Raid 2 proposent les habituels making of, scènes coupées et rencontres avec l’équipe, dont notamment une longue interview du réalisateur Gareth Evans et de l’acteur star Iko Uwais. Et aussi trois documents courts et bien menés sur la genèse du projet, les chorégraphies hallucinantes et la mise en scène tout aussi ahurissante. Mais surtout, on retiendra un documentaire inédit, fourmillant d’informations précieuses et jubilatoires sur le cinéma d’action indonésien, quasi inconnu jusque-là par chez nous : Garuda Power, dans le feu de l’action. 1h16 sur le cheminement du cinéma de genre jusqu’au phénomène The Raid. Chose appréciable : l’intégralité des bonus figure sur les deux éditions DVD et Blu-ray, comme ça, pas de jaloux.

 
The Raid 2 (The Raid 2 : Berandal) de Gareth Evans, avec Iko Uwais, Julie Estelle, Yayan Ruhian, Arifin Putra… Indonésie, 2014. Sortie le 23 juillet 2014. Sortie DVD le 26 novembre 2014.