Hasta la vista, de Geoffrey Enthoven

Elle est longue, la route qui sépare ces trois amis handicapés de leur dépucelage fantasmé. Il y a entre leur Belgique et l’Espagne où se niche la maison close de leurs rêves, un vaste monde. Un monde qu’il leur faudra traverser, contre vents et marées, car le désir et ses frissons, eux aussi, les habitent. Ils y parviendront, ces trois-là, sous l’œil complice d’une femme de poids et de poigne, chauffeur de ce convoi de fortune obstiné et joyeux (c’est, dans ce rôle initialement écrit pour Yolande Moreau, Isabelle de Hertogh, tout en voix posée et intenses regards, aux côtés des étonnants Tom Audenaert, Gilles de Schrijver et Robrecht Vanden Thoren).
A l’origine de ce road movie décontracté mais volontaire, un documentaire autour de l’Américain Asta Philpot, tétraplégique militant pour la sexualité des handicapés, qui attire l’attention du réalisateur flamand Geoffrey Enthoven. Le réalisateur de The Over the Hill Band et Happy Together y voit matière à comédie – cheminement similaire, mais c’est hasard, à celui d’Olivier Nakache et Eric Toledano pour le scénario d’Intouchables qui s’inspire de la trajectoire de Philippe Pozzo Di Borgo. Le handicap se fait source de burlesque, au sens strict. De fait, ces personnages aux corps ennemis y chutent, se heurtent, s’égarent, se retrouvent. Et de leurs trébuchements tragiques jaillissent de comiques étincelles – leur arrivée dans leurs chambres d’hôtel respectives est à cet égard un pur instant slapstick.
Geoffrey Enthoven filme ces pieds nickelés malgré eux en route vers un horizon rêvé, leur malheur en bandoulière et le sourire aux lèvres. Leur périple sera jonché de joies et de douleurs, et du tumulte qui n’épargne ici personne, naît un bercement léger, une douceur discrète. Un air de dolce vita de bon aloi qui pourtant, en la circonstance, n’allait pas de soi.

 
Hasta la vista de Geoffrey Enthoven, avec Robrecht Vanden Thoren, Gilles de Schrijver, Tom Audenaert, Isabelle de Hertogh… Belgique, 2011. Sortie le 7 mars 2012.