Un diptyque David Lean / Charles Dickens

 

John Howard Davies dans Oliver TwistAvant Le Pont de la rivière Kwaï (1957), Lawrence d’Arabie (1962) et Docteur Jivago (1965), David Lean adaptait dans un langage cinématographique aussi sobre que respectueux deux classiques de la littérature anglaise, Les Grandes Espérances et Oliver Twist de Monsieur Charles Dickens, sortis au cinéma respectivement en 1946 et 1948.
Si les deux films ont tenu le choc, peut-être même se sont-ils bonifiés avec le temps, nous le devons entièrement à son réalisateur qui a pris le parti de gommer le côté pensum des romans. Si Dickens abuse des stéréotypes et surligne ses intrigues sociales d’un manichéisme bon enfant, David Lean s’est appliqué à dégraisser le mammouth. Toutefois, la conscience collective peut continuer de vivre sans crainte autour de ces personnages hauts en couleur car le cinéaste a respecté le romancier.
Les Grandes Espérances et Oliver Twist ne sentent pas la naphtaline. Qu’on se le dise !
 

Les Grandes Espérances réalisé par David Lean avec John Mills, Valérie Hobson, Bernard Miles, Alec Guiness…

Les Grandes Espérances, de David LeanJeune orphelin, Pip se prépare à devenir forgeron comme le mari de sa sœur. La vie est ainsi faîte. Le destin en décide autrement la nuit où le garçon vient en aide à un forçat évadé et le jour où il rencontre la ravissante Estella et miss Havisham, une vieille dame fortunée. Quelques années plus tard, un bienfaiteur lui lègue une petite fortune l’invitant à s’accomplir en parfait gentleman. Installé à Londres, Pip se grise des grandes espérances.
Les maîtres de conférences et autres feignasses qui polissent les chaires des grandes universités admettent que le roman Les Grandes Espérances est le meilleur de son auteur. Ou quand la critique sociale s’épargne les caricatures grossières.
Au cours de la première heure, nous passons en revue le peuple d’outre-Manche des classes modestes jusqu’aux aristocrates souffreteux avant de suivre l’ascension du héros à la manière d’un petit Barry Lyndon. Dans une deuxième partie très maîtrisée, nous espérons qu’avec l’expérience Pip saura s’éviter les désillusions promises aux prolétaires. L’empathie a fait son boulot, on s’y croit.
David Lean tient son histoire de bout en bout, injecte quand il le faut suspense et rebondissement pour nous tenir en haleine. Cerise sur le gâteau, le film distille un charme fou quand il nous introduit chez miss Havisham. Sa demeure gothique rappelle à notre mémoire le château du comte von Krolock (Le Bal des vampires).
Alec Guiness sautille de bonheur en fidèle ami de jeunesse. C’est un beau grand film humaniste.

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Oliver Twist réalisé par David Lean avec Alec Guiness, Robert Newton, John Howard Davies…

Oliver Twist, de David LeanNul besoin de revenir sur l’histoire d’Oliver, universelle, tragique et belle, dont la mère est morte en le mettant au monde, non n’y revenons pas, puis confié à un orphelinat à la discipline draconienne et placé en apprentissage, voilà quoi, non n’y revenons pas. Bref, maltraité, Oliver décide de s’enfuir à Londres, non n’y revenons pas, et tombe sous la coupe du redoutable Fagin qui dirige une bande d’enfants voleurs et vit à leurs dépens. Inutile, donc, de revenir sur cette histoire, universelle, tragique et belle…
Il y a quelques années, Roman Polanski relevait le défi de dépoussiérer à sa façon ce classique des classiques sans se douter qu’il collerait sur nos rétines une croûte animée aux limites du rance. Du caca plein les yeux.
La version de David Lean, qui fêtera ses 184 ans en 2132, brille par sa simplicité et son sens des détails. En clair, enlever le gras pour ne laisser que le muscle. Oliver Twist s’évite donc tout ce qui vieillit mal comme les envolées lyriques, les pleurnicheries, les bons sentiments…
La bouille craquante de John Howard Davies détonne au milieu de ces gueules patibulaires.
Recommandé par Grand Écart.

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