L’Etrange Petit Chat de Ramon Zürcher

 

l-etrange-petit-chat-ramon-zurcherWas ist das ? Telle est la question que l’on se pose lorsque l’on se retrouve plongés dans ce qui ressemble, à s’y méprendre, à une chronique familiale dont les enjeux sont aussi palpitants que la machine à laver à réparer, un rat à nourrir, un chat qui ronronne et qui perd ses poils dans les verres de lait, un chien qui jappe, sans oublier la sieste de Mamie qui dure quand même un peu longtemps. Et toute la famille (parents, enfants, oncles, tantes et neveu) qui disserte sur ces petits riens qui font des grands tout. La pelure d’une orange qui retombe sur le côté orange à tous les coups, une saucisse qui éclabousse quand on la découpe, s’asseoir au cinéma à côté d’un inconnu qui met son pied sur le vôtre par inadvertance, crier quand la cafetière se met en branle… On sait s’amuser dans cette anonyme famille allemande ! Chacun y va de sa petite obsession, de son petit dialogue qui devient monologue qui n’intéresse personne et finalement, surtout pas son propre protagoniste. On se doute bien que tout ne tourne pas très rond dans cette routine familiale qui semble pourtant bienveillante les uns envers les autres. Derrière le sourire et les caresses, combien de chats qu’on menace d’écraser de son pied pendant qu’ils mangent, combien de balles qu’on ne renvoie pas au petit voisin désabusé, combien de chemises tachées de sang dont on renifle l’odeur aguicheuse ?

A cause (ou grâce à) des cinéastes tels que Michael Haneke, désormais, le cinéma en langue germanique est vicié. On s’attend à chaque scène à découvrir un monde plus pervers qu’il n’en est, on guette le moindre frémissement au coin des lèvres, le moindre clignement d’œil, certains d’y découvrir un non-dit qui va éclater en boucherie, hors champ. Le rôle de la mère, d’ailleurs, sorte de Tilda Swinton en puissance, est le plus ambigu de tous. D’elle, on en vient à espérer un empoisonnement familial, tant elle semble absente, froide et détachée, comme si elle était déjà dans un ailleurs moins étouffant. Elle raconte à ses enfants, sans la moindre émotion, mais avec un regard doux, ses anecdotes où elle frôle des inconnus, délibérément. Elle est le socle qui soutient les siens et le film, celle qui apporte un soupçon de mystère et d’ambiguïté. Malheureusement, n’est pas Haneke qui veut. Et la chronique familiale, tout aussi remplie de sous-entendus et de symboles qu’elle est, reste et demeure une simple chronique familiale. Mais en langue allemande.

 
L’Etrange Petit Chat de Ramon Zürcher, avec Jenny Schily, Mia Kasalo, Anjorka Strechel, Luk Pfaff, Matthias Dittmer. Allemage, 2013. Programmation Acid Cannes 2013.

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