Au mois de mai, la planète s’arrête de tourner. Les oiseaux stoppent leur migration. Les chiens retiennent leurs crottes. Les cigales se font discrètes. Seule la courbe du chômage continue sa progression. En mai tu ne fais pas ce qu’il te plaît, tu vis aux heures du Festival de Cannes. Mais voilà, les DVD bourgeonnent, les fictions fleurissent et les documentaires ouvrent leur corolle. Alors en juin, tu fais le plein.
CÔTÉ DOCS
Les Invisibles de Sébastien Lifshitz
Le documentaire de Sébastien Lifshitz vaut mille fois mieux que la déplorable actualité autour du mariage pour tous dans lequel nous pourrions trop vite, et maladroitement, l’introduire.
Les Invisibles parle d’amour et d’empêchement. Des hommes et des femmes nés dans l’entre-deux-guerres, décidés à vivre leur homosexualité les yeux grands ouverts, en forçats de la liberté pour ne pas avoir à baisser toute leur vie les yeux grands fermés devant les fachos de la morale. On y raconte le quotidien, le travail, les vacances, les attentes, la souffrance, le bonheur… Ces invisibles au grand jour sont en chacun de nous. Un documentaire passionnant, fruit du travail d’un passionné. Salutaire et beau.
Disponible en DVD chez Ad Vitam.
Coffret Romancier et cinéaste de Atiq Rahimi
Il y a quelques mois sortait Syngué Sabour : pierre de patience (bientôt un avis sur Grand Écart) du romancier et cinéaste Atiq Rahimi. Au cœur des faubourgs de Kaboul, en pleine guerre, nous suivons la lente et difficile reconstruction d’un couple. Collection Opus profite de l’engouement autour du cinéaste pour diffuser trois de ses documentaires sur l’Afghanistan. Si comme moi, l’histoire de l’Afghanistan vous échappe, ce coffret explique de façon pédagogique toute la complexité du territoire.
Zaher Shah : le royaume de l’exil (2000)
Dans Zaher Shah : le royaume de l’exil, Rahimi dresse le portrait de l’ancien monarque (renversé par son beau-frère en 1972 et contraint à l’exil) à travers une série de rencontres et d’interviews, et par la même occasion revient sur la construction de l’Etat afghan moderne. Miné par les chefs religieux et les chefs tribaux, pressuré par les grandes puissances et le Pakistan voisin, Zaher Shah a presque réalisé l’impossible ; construire un Etat moderne sous une monarchie constitutionnelle. Mais le beauf s’empare du pouvoir. Le monarque trouve refuge en Italie. Zaher Shah participe à la chute des talibans en 2001 et retourne sans son pays natal pour y mourir en 2007.
(A)fghanistan : un Etat impossible (2002)
C’est le doc qui vous permettra de mieux comprendre le contexte historique et le pourquoi du comment de ces conflits à répétition. Rahimi mêle son histoire personnelle à celle de son pays. Drôle de sensation d’y voir des paysages d’une douceur sans nom piétinés par les combattants.
Nous avons partagé le pain et le sel (2001)
Le père dominicain Serge de Laugier de Beaurecueil raconte son Afghanistan. En 1963, « Padar », comme on l’appelle là-bas, crée un orphelinat à Kaboul. Il recueille les enfants pauvres et handicapés. Padar est un homme de Dieu, un enseignant, un lettré, un passeur de connaissances, un bien-aimant. Un témoignage juste et bienveillant.
Disponible en DVD chez Collection Opus.
I am de et avec Tom Shadyac, avec aussi son médecin, son thérapeute, son père, sa mère, son frère et ses sœurs…
Durant les années 1990, Tom Shadyac fut à Hollywood un réalisateur et producteur « star ». Sa filmographie pourrait à elle seule servir de maître-étalon à notre compagnon Clément Arbrun s’il devait assurer le poste de ministre de la Culture.
Visez un peu :
Comme réalisateur
1994 : Ace Ventura, détective chiens et chats
1996 : Le Professeur Foldingue
1997 : Menteur, menteur
1998 : Docteur Patch
2002 : Apparitions
2003 : Bruce tout-puissant
2007 : Evan tout-puissant
Comme producteur
1998 : Docteur Patch
2000 : La Famille Foldingue
2002 : Apparitions
2003 : Bruce tout-puissant
2006 : Admis à tout prix
2007 : Evan tout-puissant
2007 : Quand Chuck rencontre Larry
Figurez-vous qu’après avoir perdu 76 millions de dollars avec Evan tout-puissant, Tom Shadyac s’est pris en vélo la gamelle de sa vie (sûrement le sacripant Jim Carrey qu’a enlevé les roulettes), une chute si grave qu’elle l’a écarté pendant des années des plateaux de cinéma. Je ne vois pas le rapport de cause à effet, mais deux méga-plantades à la suite, perso et pro, il fallait le noter ! Tom Shadyac a tout perdu ; sa santé, son influence, son pognon, son immense villa et l’envie de vivre. Mais le créateur d’Ace Ventura, tel le phénix qui renaît de ses cendres, a vu la lumière. Le voilà qui reprend le collier, caméra au poing, à la rencontre de Desmond Tutu (archevêque), Lynne McTaggart (journaliste), Noam Chomsky (professeur au MIT et pas foldingue), Elisabet Sahtouris (biologiste de l’évolution) et quelques autres olibrius, loin des turpitudes et des artifices hollywoodiens pour évoquer tout ce qui fait le sel de la vie. Shadyac promeut le fameux bonheur du moment présent cher à Eckhart Tolle. Le doc tire en longueur mais observer hors circuit un ex-as de la comédie balourde vaut tout l’or du monde. Comme quoi il n’y a pas que le pet dans la vie.
Disponible en DVD chez Universal.
CÔTÉ FILMS
Le Territoire des ombres : le secret des Valdemar de José Luis Aleman, avec Daniele Lotti, Oscar Jaenada, Laia Marull, Silvia Abascal…
1874. Lazaro et Leonor Valdemar s’installent dans une vaste demeure victorienne pour y fonder un orphelinat. Le couple apprend que la bâtisse est considérée par de nombreux ouvrages ésotériques comme un tunnel pour des mondes inconnus. Quand Leonor tombe malade, Lazaro tente la guérison par l’occulte. Les esprits se réveillent, et pas les plus sympas !
Le Territoire des ombres 1re partie (la deuxième partie débarque en septembre) s’inspire de l’univers de Lovecraft. Le résultat s’avère déconcertant car de l’ambiance lovecraftienne il y a peu. Pas ou peu de monstres torturés par le Seigneur des Enfers. Toutefois, cette série B ne mérite en aucun cas une volée de bois vert. Sur la forme, le soin apporté à la mise en scène et les excellentes interprétations excusent un scénario hyper-faiblard qui se nourrit d’un immense flash-back. Accessit à l’acteur qui endosse le rôle d’Aleister Crowley, personnage aussi charismatique que lâche. Les intentions sincères de redonner vie au cinéma fantastique des années 1950/1960 manquent juste de… fantastique. Nous attendrons la deuxième partie en septembre pour un avis plus définitif. Une production espagnole sortie sur les écrans espagnols il y a déjà plus d’un an. Le DVD est accompagné d’un livret sur l’univers de Lovecraft.
Disponible en DVD et Blu-ray chez Condor Entertainement.
The Thompsons des Butcher Brothers, avec Cory Knauf, Samuel Child, Joseph McKelheer…
Les Hamilton s’empressent de fuir les Etats-Unis après avoir mis à feu et à sang une station-service du Texas. Direction l’Angleterre et sa verte campagne. Notre famille de vampires, rebaptisée (ouch !) Thompsons pour mieux tromper les autorités, trouve refuge chez des semblables susceptibles de les aider à se refaire la cerise au milieu des humains. Mais les hôtes nourrissent d’autres projets et l’accueil tourne au vinaigre.
The Thompsons ne paie pas de mine mais les acteurs et les actrices qui s’amusent comme des petits fous transmettent une joie communicative. « Parce qu’il est important d’être joyeux », mon prochain ouvrage à paraître aux éditions Je veux du bonheur. Les coups de crocs ne manquent pas de fureur. Le sang pisse partout. Youpi. Voilà un tirage de bourre entre goules, ma foi fort agréable !
Disponible en DVD et Blu-ray chez Free Dolphin Entertainement.
Grizzly, le monstre de la forêt de William Girdler, avec Christopher George, Michael Kelly, Andrew Pine, Don Stoeber, Richard Jaekel…
Un grizzly gigantesque fout le bronx au cœur du parc Yellowstone. Les touristes se font tailler en pièces les uns après les autres, alors autant dire que ce n’est pas bon pour le commerce. Le shérif, ce gland, a les pétoches, le maire, ce con, chie dans son froc et les commerçants, cette bande de pignoufs, tirent la gueule. Mais une bande de gars courageux veillent au grain. Le garde-forestier, son pote biologiste et le pilote d’hélicoptère se chargent de traquer la grosse bête.
Grizzly fêtera bientôt ses 40 ans. Si vous y voyez un copier-coller des Dents de la mer sur terre vous êtes dans le vrai sauf que, sans Spielberg et sans Williams, Grizzly pointe d’avantage sa truffe vers le nanar que le classique de l’épouvante. Les apparitions du grizzly se limitent à une quantité hallucinante de stock-shots et une patte en carton. Et pourtant, Grizzly possède ce charme inimitable des productions seventies. Les acteurs y croient. Sympatoche et plaisant, mais je vous aurai prévenus.
Disponible en DVD et Blu-ray chez Filmedia.
Masks de Andreas Marschall, avec Susen Ermich, Magdalena Ritter, Julita Witt, Stephanie Grabner…
Dans les années 1970, le professeur de théâtre Matteusz Gdula met au point une méthode d’interprétation révolutionnaire. A tel point révolutionnaire qu’une vague de suicides s’abat sur les étudiants et le professeur Gdula. Quarante ans plus tard, Stella intègre la fameuse institution. Dans une aile de l’école, la rumeur bruisse que la méthode interdite serait à nouveau enseignée.
Il y a longtemps que nous n’avions pas goûté un bon giallo (porté au firmament par Dario Argento et Mario Bava), genre typiquement italien un peu délaissé ces dernières années. Le charme du giallo réside dans un visuel très stylisé et théâtralisé où l’horreur se cache derrière un masque, où les tueurs tailladent la chair à l’arme blanche. Andreas Marschall n’a rien omis pour valider son essai mais le film aurait gagné à être raccourci d’une bonne vingtaine de minutes. Les acteurs et les actrices cabotinent comme au premier jour du printemps. C’est le bonheur. Réussi.
Disponible en DVD et Blu-ray chez Filmedia.
L’Epée enchantée de Bert I. Gordon, avec Basil Rathbone, Estelle Winwood, Gary Lockwood, Anne Helm…
Pour délivrer la princesse Hélène (Estelle Winwood) enlevée par le sorcier Lodac (Basil Rathbone), George (Gary Lockwood) devra affronter sept malédictions : ogre, cratère de feu, femme vampire, apparitions pétrifiantes, galerie de monstres, sorcière, et dragon. Doté d’une armure magique, d’un cheval merveilleux et d’une épée enchantée, il sera aidé par sept chevaliers ressuscités.
Histoire. Fantasy. Science-fiction. Décors en carton-pâte. Epées toutes molles. Costumes coupés par mamie. L’épée enchantée, c’est 1h20 de bonheur poétique en technicolor. Ni plus ni moins. Que voulez-vous reprocher à cette merveille fabriquée avec deux francs six sous ? Rien. Ne comptez pas sur moi pour descendre en flèche ce morceau de cinéma authentique. Mon carquois est vide de tout sarcasme.
Disponible en DVD chez Artus.
Coffret Josh et Benny Safdie avec Lenny and the Kids et The Pleasure of Being Robbed
Le cinéma des frangins Safdie ne ressemble à aucun autre. Un cinéma social underground où la réalité se nimbe de mystère, où le mystère se barde de rêve, où les rêves empêchent les cauchemars. Un cinéma de rue à la fois calme et tremblant, atmosphérique et frénétique, grave et léger, direct et calculé. Un cinéma unique, et double. La pièce maîtresse, Lenny and the Kids, raconte l’histoire d’un père maladroit qui veut bien faire avec ses mômes mais qui ne sait pas s’il doit être leur papa ou leur copain. Cet homme, on l’aime autant qu’on le déteste. Et l’on s’étonne de sa profonde solitude.
The Pleasure of Being Robbed nous ouvre l’univers d’une jeune kleptomane à travers ses rencontres et pérégrinations, qui par bien des aspects rappelle le cinéma de John Cassavetes. Une autre histoire de solitude, l’inadaptation d’Eleonore.
Les 5 courts-métrages montrent à quel point l’univers de Josh et Benny Safdie transpire la créativité. Recommandé mille fois.
Disponible en DVD chez Blaq Out
Coffret Hong Sang-soo avec Woman on the Beach et Night and Day
Woman on the Beach et Night and Day traitent du déracinement, d’amour et d’inspiration. C’est dans l’ailleurs qu’évoluent les personnages d’Hong Sang-soo. Un ailleurs qu’affectionnent les artistes, leur ailleurs. La ritournelle bien connue du cinéaste (que l’on rapproche souvent des refrains rohmeriens) sur les amours malheureux nourrit les émotions à fleur de peau où rien n’est jamais grave même si tout est important.
Woman on the Beach, Night and Day, Hong Sang-soo voyage. L’amour dure toujours.
Disponible en DVD chez Blaq Out.
