La Dernière Piste, de Kelly Reichardt

 

La Dernière Piste, de Kelly Reichardt1845, Oregon. Trois caravanes, trois familles perdues au milieu des hautes plaines désertiques. Pour gagner l’Ouest, elles ont engagé le trappeur Meek qui va les guider sur une piste non tracée. Mais qui est vraiment cet homme ? Veut-il les aider ou les égarer ? Le même doute saisira les personnages à l’arrivée de l’Indien à qui ils seront finalement obligés de confier leur survie.

Dans ce western qui n’en est pas un, où le format carré nous empêche d’embrasser l’horizon, où seul le regard des hommes limite l’espace, on suit de près les héros ordinaires de cette conquête de l’Ouest. Au rythme des jours qui se ressemblent, des corvées incombant aux femmes, des décisions dépendant des hommes. On plonge dans leur quotidien, humble compagnon de leur errance. Dans son précédent film, Wendy et Lucy, Kelly Reichardt filmait déjà l’Oregon, contemporain, mais tout aussi hostile à une Michelle Williams esseulée et en quête de sens.

Changement de décor pour La Dernière Piste. Une photographie magnifique où chaque plan donne lieu à un état contemplatif. Les couleurs, entre ocre et sépia, teintes délavées ou saturées subliment les paysages. Les personnages se découpent dans le ciel blanc, gris parfois bleu. Une bande-son très travaillée, peu de dialogues, les bruits environnants étant aussi importants que les paroles prononcées : cris d’animaux, eau qui coule, charrettes qui roulent. La musique, très présente, fait alterner des alarmes lancinantes et une flûte discordante. Comme pour dire combien ce film tord le cou aux westerns classiques. Loin des clichés misogynes, ici la femme est l’avenir de l’homme. Lui toujours filmé de loin ou de dos, elle en plans resserrés. Le personnage interprété avec force par Michelle Williams, Emily, bouscule ce monde viril, ses codes. Elle incarne un humanisme profond face à l’Indien, cet étranger qui surgit avec brutalité dans leur univers et suscite des réactions violentes face à l’autre, entre paranoïa et agressivité.

Une réflexion subtile et résolument moderne sur la question de la confiance en l’homme. La fin, ouverte, nous met face à nos propres doutes : à chacun de donner la morale de l’histoire selon ce qu’il croit lui-même.

La Dernière Piste (Meek’s Cutoff) de Kelly Reichardt, avec Michelle Williams, Paul Dano, Bruce Greenwood. Etats-Unis, 2010. Sortie le 22 juin 2011.