Cub, de Jonas Govaerts

 

Loup y es-tu ?

Cub, de Jonas Govaerts

Prom’nons-nous dans les bois
Pendant que le loup y est pas

Pour son tout premier film, Jonas Govaerts nous convie à une sympathique partie de braconnage saignant en forêt wallonne. Avec dans le rôle du gibier, une joyeuse meute de petits louveteaux (cub scout en anglais), et, dans celui du rôdeur-traqueur, le kai, une étrange créature des bois. Sempiternelle légende lycanthrope que les monos, Baloo (Stef Aerts) et Akela (Titus De Voogdt), prennent un malin plaisir à agiter aux oreilles des gosses, histoire de pimenter un peu leur virée champêtre.

Si le loup y était,
il nous mangerait…

Et il y est ! Pour le jeune Sam (incarné par l’excellent Maurice Luijten), c’est sûr, il l’a vu. Mais, sur le camp, on reste sceptique. Sam, c’est le profil du gamin inadapté au passé compliqué. Toujours ailleurs, enfoui dans ses rêves. Taciturne et mélancolique… Brebis galeuse au sein de la meute, elle en a fait son bouc émissaire. Govaerts ne manque pas de s’amuser avec cette cruauté enfantine tout ce qu’il y a de plus humaine, en préambule au déchaînement de violence barbare à venir. Et il viendra. La courte séquence d’ouverture ne laisse planer aucun doute là-dessus. Mais Jonas Govaerts prend son temps. Un peu trop. On est d’ailleurs au bord de l’égarement lorsque le cinéaste décide de doubler la menace, encore lointaine, qui vagabonde autour du camp. A celle du kai, il associe celle d’un sombre bonhomme patibulaire vivant reclus sous terre. Un braconnier diabolique et pervers dont les pièges à la mécanique magistralement maléfique parsèment la forêt. Entre branches « épieux », troncs d’arbre « broyeurs » et autres machineries sylvicoles. Deux terreurs, donc, pour deux lignes narratives qui peinent finalement à se fondre l’une dans l’autre, rendant la progression dramatique un brun chaotique. Au point de laisser poindre une sérieuse indifférence quant au sort de ces louveteaux. Mais Govaerts nous rattrape in extremis pour nous offrir une ultime ligne droite totalement enragée (dont une tente truffée de scouts, écrasée par un camion, ou quand le cinéma de genre permet l’inavouable)… Jusqu’au final sans concession, bien que prévisible, quant aux déviances violentes de notre monde moderne.

On évoquerait bien également cet humour grinçant et la douce folie qui font du cinéma belge l’un des plus singuliers. Il y a également cette très belle photographie signée Nicolas Karakatsanis (Bullhead et Quand vient la nuit de Michaël R. Roskam) ou encore la bande-son de Steve Moore, synthétique à souhait. Après s’être frotté au court-métrage et à la série TV, Jonas Govaerts se jette ici dans le grand bain du long avec une proposition certes inégale, souffrant d’un sérieux problème de rythme, mais qui n’en demeure pas moins tout à fait séduisante et prometteuse.

 
Cub de Jonas Govaerts, avec Titus De Voogdt, Stef Aerts, Maurice Luijten, Evelien Bosmans… Belgique, 2014. Sélectionné en compétition au 22e Festival du film fantastique de Gérardmer.