Les Crimes de Snowtown, de Justin Kurzel

 

Portrait of a serial killer

Snowtown, de Justin KurzelAlors que l’on glose beaucoup sur la violence montrée cette année à Cannes, Les Crimes de Snowtown détonne par la justesse de son regard. Oui, juste. N’en déplaise à tous ceux qui ont quitté la salle de la Semaine de la critique, soufflé, pesté. Le film a des défauts. Plein. Ses personnages secondaires sont quasi inexistants, rendant l’ensemble flou et confus. Dans cette communauté, bien difficile d’identifier les uns et les autres, leur rôle, leur implication dans l’histoire qui se déroule, parfois longuement. Ce qui affaiblit certaines scènes qui auraient certainement dû être plus poignantes. Mais sur les séquences clés, Justin Kurzel se révèle d’une finesse notable.

Quasiment dès le début du film, des enfants sont molestés. Il les montre se faisant prendre en photo en slip, puis sans slip. Cadré à la taille. C’est rapide, efficace. Pas besoin d’en montrer plus. Ensuite, pour une scène de meurtre, tournant majeur pour le personnage principal, Jamie, 16 ans, victime de viol, le réalisateur se fait plus explicite. A raison. Cette torture qui précède le meurtre, Jamie en est le témoin, malheureux et à plus d’un titre, privilégié. Et c’est sur son regard qu’on s’attarde. Et pour que l’on comprenne la réaction de Jamie, il faut que nous aussi soyons les témoins de cette scène. Elle est longue, oui. On se serait dispensé d’un plan ou deux (dont un impliquant un orteil), certainement. Elle est insupportable, complètement. C’est même pour ça qu’il est nécessaire de la montrer. Parce que Jamie non plus ne la supporte pas.

Contrairement à beaucoup, Justin Kurzel n’est pas dans la complaisance, il est dans l’empathie avec son personnage. Traque ses réactions, ses émotions, montre ce qu’il voit et la façon dont il le voit. De la même manière, le tueur est avant tout une figure salvatrice pour Jamie. Un homme qui débarque et décrète qu’il va s’occuper de lui, l’aider à devenir adulte. John, impeccablement interprété par Daniel Henshall, est ce mélange d’homme providentiel, éminemment sympathique, jovial, attentionné, et de tueur sanguinaire, tortionnaire, fasciné par le mal qu’il entend pourfendre, à l’emprise malsaine sur ce gamin. Car il fait justice lui-même. Pour cette pauvre communauté oubliée des services publics. Les Crimes de Snowtown évoque donc également le thème de la justice populaire, émotionnelle, irréfléchie. La bravade autour d’une bière du type « si je tenais le type qui fait ça aux gosses, je l’émasculerais ». C’est le genre de soirées qu’affectionne John. Sauf que lui, il met en oeuvre les fameux sévices. Avec sa tête de type sympa.

Les Crimes de Snowtown (Snowtown), de Justin Kurzel, avec Daniel Henshall, Lucas Pittaway, Louise Harris. Australie, 2011. Sélectionné à la Semaine de la critique du Festival de Cannes 2011. Sortie le 28 décembre 2011.

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