Chronicle, de Josh Trank

 

Alex Russell, Michael B. Jordan et Dane DeHaan dans ChronicleChronicle, c’est l’histoire de trois ados, Andrew (Dane DeHaan), Matt (Alex Russell) et Steve (Michael B. Jordan), qui, après avoir été en contact avec une mystérieuse substance, se mettent à développer d’étranges pouvoirs de télékinésie. Mais ici, pas question de répondre au vieil adage de l’oncle Ben : “A grand pouvoir, grandes responsabilités.” Pas de devoir moral poussant nos nouveaux héros à débarrasser la ville d’un dangereux Bouffon vert, encore moins à sauver le monde. La raison n’a pas sa place ici. Lorsqu’on a 17 ans et des superpouvoirs, eh bien on fait mumuse avec. A cet âge ingrat où tout se juge à l’aune de l’apparence, on en profite pour booster une popularité en berne ou pour épater les filles. Et surtout, on n’en parle à personne. Parce que bouger des voitures à la seule force de l’esprit, défier les lois de la gravité pour aller taper un foot à 2000 pieds d’altitude, c’est cool mais ça pourrait faire peur. Et dans Chronicle, les écoles spécialisées du professeur Charles Xavier où l’on apprend à maîtriser ses pouvoirs et à s’accepter soi-même n’existent pas encore. Andrew, Matt et Steve sont donc seuls pour faire face à leur différence et en découvrir toute l’étendue. Pour unique témoin de ce drôle d’apprentissage, il y a cette caméra qu’Andrew apporte toujours avec lui et avec laquelle il décide de filmer leurs exploits. Chronicle, c’est donc ce journal intime filmé en caméra HD aux allures de teen-movie. Une sorte de récit initiatique à travers lequel chacun des trois ados se révèlera, trouvant dans leurs dons surnaturels le moyen d’exorciser, au mieux, leur manque d’assurance, au pire, leur volonté de toute-puissance, leurs colères et leurs désirs de vengeance.

Chronicle, de Josh TrankIl est jeune, certes, mais il est déjà très malin le Josh Trank. En inscrivant Chronicle dans la double lignée d’une mythologie super-héroïque désacralisée (Heroes mais aussi et surtout l’excellente série britannique Misfits) et des found footage, ces “documenteurs” où l’action est révélée à travers de prétendues caméras amateurs (Le Projet Blair Witch, Cloverfield ou encore Rec), ce jeune réalisateur de 26 ans, épaulé au scénario par un certain Max Landis (fils de John), signe un premier long-métrage imprégné de toutes les bonnes petites tendances du moment. Opportuniste ? Oui, sans doute un peu. Son utilisation de la caméra subjective est en général plutôt réussie et ingénieuse. Dans une séquence finale absolument dantesque (qui rappelle la furie apocalyptique d’Akira dont le cinéaste revendique bien volontiers l’influence), Josh Trank a notamment la très bonne idée de prendre appui sur tous les écrans que la société moderne met à notre disposition : de la télévision aux téléphones portables en passant par les caméras de surveillance et autres tablettes. Mais ce choix de mise en scène se révèle également une contrainte que le réalisateur a parfois du mal à justifier. A l’image de cette caméra placée dans une chambre d’hôpital pour les besoins d’une enquête… Mouais.

Pour autant, Chronicle n’en demeure pas moins terriblement efficace, une sorte d’objet hybride fourmillant de trouvailles scénaristiques assez géniales. Une variation astucieuse sur le thème des super-héros, participant de cet élan salutaire consistant à déconstruire le mythe de surhomme dont nous abreuve chaque année l’écrasante Marvel Company, pour nous offrir une improbable exploration du mal-être adolescent.

 
Chronicle de Josh Trank, avec Dane DeHaan, Alex Russell, Michael B. Jordan. Grande-Bretagne, Etats-Unis, 2011. Sortie le 22 février 2012.