Le Chaperon rouge, de Catherine Hardwicke

 

Comme vous avez de grandes dents !

Le Chaperon rouge de Catherine Hardwicke« Ça m’a tout l’air d’une bouse pour adolescents prépubères », me lance une amie au téléphone quand je lui dis que je sors du film.

A son affiche, ce moderne Chaperon rouge a un petit air de Twilight, dont le premier volet avait été également réalisé par Catherine Hardwicke. Deux films pour ados aux baisers qui ont le goût de sang frais… Revisitée par Hollywood, la fable noire du Chaperon se fait thriller et le fameux manteau à capuche, tache de sang d’innocents sacrifiés, flaque rouge répandue comme une virginité perdue.

La névrose : la bête, la belle et les autres autour dont la présence ne fait qu’organiser un terrible instinct d’amour. Un instinct de mort logé dans un creux de désir. Le Chaperon rouge brûle de connaître. Elle s’en pose, des questions : à quoi servent tes oreilles si grandes, grand-mère ? Et tes yeux ? Et tes dents ? Il est quand même question de se manger les uns les autres.

Le climat :
enneigé. Ici, la fable est retravaillée façon loup-garou. Le suspense fonctionne. Chaque villageois est potentiellement loup. Soupçons, paranoïa envers son voisin. Le terroriste est parmi nous donc vigilance, oeil ouvert, couteau à portée de main. Enquête menée par un fou furieux joué par Gary Oldman. Combattant pour le bien, toutes les méthodes sont bonnes pour s’acharner contre le mal… Un mot d’ordre : ne faire confiance à personne.

L’histoire : on la connaît. Elle pourrait avoir lieu dans toutes les familles à toutes les époques. En l’occurrence, elle se passe dans le village de Daggenhorn, situé dans une zone féerique de la planète, fort fort lointain il était une fois, entouré de forêts épaisses et de montagnes avec vue sur l’océan, désert et gelé. L’époque est d’esthétique moyen-âgeuse. On y porte le heaume et écoute du hard rock. Daggenhorn est en proie à un loup-garou qui n’avait pas frappé depuis des dizaines d’années. Or, en ce temps de lune rouge, la moindre morsure de la bête engendre son semblable, un monstre sanguinaire. Les villageois vivent trois jours de terreur, enfermés, traquant la bête, à la merci de sa cruelle soif du sublime Chaperon rouge.

Les personnages : il y a une grand-mère hippie très louche, une mère un peu trop lisse de l’épiderme facial pour être crédible en paysanne des temps anciens – il y avait donc des chirurgiens esthétiques à cette époque ? – un père alcoolique à la mèche rebelle et deux prétendants magnifiques, tout juste sortis de la puberté, au look très rock. Un forgeron, fils de l’homme le plus riche du village et un bûcheron – normal quand on habite dans un village de montagne entouré de forêt.

Le mythe : initiatique. Tous ces sacrifices pour… oui, toujours la même histoire, devenir une femme avec un grand F. Devenir quelqu’un, se libérer de ses démons pour exister, aimer l’homme qu’il faut. Etre assez futée pour choisir le bon, éventuellement en s’opposant à ses parents. Sacrés défis pour une fille de 20 ans mi-ange, mi-sorcière qui vit dans un village reclus digne des plus beaux décors studios.

Conclusion : plus nuancée que le film en lui-même. C’est dans l’ensemble mal joué, on ne croit pas une seconde aux décors ni aux dialogues, en particulier en début de film. Beaucoup trop léché. Ces paysans bodyliftés semblent issus d’un téléfilm qu’on ne serait pas surpris de voir tourner en partouze générale dans la version bonus du DVD.

Ceci dit, peu importe le lieu, l’histoire est la même. C’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures confitures. Un Chaperon rouge est bien placé pour le savoir. « Grand-mère, comme tu as de grandes dents ! – C’est pour mieux te manger ma chérie. » Oui, ça fait peur.

La fable du Chaperon rouge fonctionne par sa puissance narrative et son ancrage psychanalytique. Parcours initiatique, condensé dramatique, une bonne histoire vaut mieux que toutes les considérations métaphysiques et esthétiques qu’on y accroche en désespoir de cause quand elle fait défaut. Du concret. Pas d’analyse de divan, des faits. Evidemment, c’est un film à voir quand on est jeune ou, comme moi, ado attardée qui vais trouver mon compte dans ce thriller à suspense parce que l’histoire est bien ficelée. Pour ce faire, j’accepte – ce qui me prend au moins une demi-heure, les premières scènes n’appelant qu’un mot : fake (ou flop) – les défauts béants de tout ce qui est autour du scénario. Je mets mes œillères, plonge dans l’enquête pour trouver l’identité d’un meurtrier a priori ultrasexy puisque c’est une bête poilue à la voix grave et je passe finalement un bon moment.

Le Chaperon rouge (Red Riding Hood), de Catherine Hardwicke, avec Amanda Seyfried et Gary Oldman. Etats-Unis, 2011. Sortie le 20 avril 2011.