Après la bataille, de Yousry Nasrallah

 

Nahed El Sebaï et Menna Chalaby dans Après la bataille, de Yousry NasrallahC’est vrai : Après la bataille est épars, maladroit, parfois grossier. Les comédiens ne remporteront probablement pas de prix d’interprétation, et la caméra tremble plus qu’à son tour. Mais le film de Yousry Nasrallah est touchant. La rencontre entre Reem (Menna Chalaby), jeune publicitaire reconvertie dans le journalisme militant depuis la révolution, et Mahmoud (Bassem Samra), cavalier sans le sou manipulé par le gouvernement, représente davantage qu’une simple histoire amoureuse : c’est le choc de deux cultures, celle moderne et contestataire, moteur du soulèvement populaire, et celle assujettie à l’autorité, qui préfère conserver ses acquis plutôt que de risquer tout perdre. En temps réel, Nasrallah saisit le parfum de révolte qui envahit les pays arabes depuis un an. Le cinéaste ne se contente pas de suivre les événements, il croque la vie dans un pays sexiste et corrompu : la difficulté d’être une femme (les réunions de femmes auxquelles participe Reem), l’expropriation de populations entières au profit d’un Etat autoritaire et violent (l’aberrante construction du mur de Nazlet El-Samman) , une société à deux vitesses (l’ultramodernité des quartiers chics du Caire et l’extrême pauvreté de la banlieue)… Yousry Nasrallah revendique avoir réalisé une œuvre de fiction, mais il y mêle les véritables images des manifestations récentes. Grâce à la technologie (vidéo mobile, Internet), l’isolement est restreint et l’Occident aura pu suivre le « printemps arabe » ; mais notre société a toujours des difficultés à appréhender un mouvement social et culturel si éloigné et si large. Yousry Nasrallah, didactique, propose de revivre ces éléments par la lucarne, et embrasse le collectif par l’entremise d’individus qui vont apprendre à se battre. Même si Après la bataille manque parfois de crédibilité, peu importe ; la propre technologie qu’utilise le cinéaste dans son film va bien au-delà de celle qui nous a permis de voir, en boucle, le sentiment révolutionnaire naître en Egypte. Un témoignage lucide et poétique d’une histoire en cours.

 
Après la bataille de Yousry Nasrallah, avec Menna Chalaby, Bassem Samra, Nahed El Sebaï, Salah Abdallah… Egypte, 2012. En compétition au 65e Festival de Cannes.

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