Les tisanes d’Anaïs prennent soin de notre corps et de notre esprit. Guillaume nous avertit des problèmes qui gangrènent le fonctionnement du monde viticole. Ils sont tous deux à leur manière des seigneurs du terroir.
Anaïs s’en va-t-en guerre !, documentaire réalisé par Marion Gervais avec Anaïs Kerhoas, Cybelle Camomille, Hugues Cassis, Fleur Guimauve, Louis Ortie, Marguerite Sauge, Fernande Basilic, Lucien Citronnelle et Bernard Estragon (non crédités)…
Anaïs a 24 ans. Elle vit seule dans une petite maison au milieu d’un champ en Bretagne. Rien ne l’arrête. Ni l’administration, ni les professeurs misogynes, ni le tracteur en panne, ni les caprices du temps, ni demain ne lui font peur. Portée par son rêve de toujours : celui de devenir agricultrice.
Il s’en est passé des choses depuis la diffusion d’Anaïs s’en va-t-en guerre ! de Marion Gervais sur TV Rennes. Des choses bien. Les plantes poussent, la petite entreprise d’Anaïs grandit à vue d’œil et Marion Gervais colle aujourd’hui sa rétine de cinéaste accomplie sous d’autres cieux.
Anaïs qui ressemble à bien des égards à son lointain cousin Jean de Florette cultive l’authentique au cœur d’un paradis qu’on dit aromatique. Planter, soigner et récolter, Anaïs égraine ses journées au rythme imposé par Mère Nature.
N’imaginez surtout pas la demoiselle en rêveuse de service, même si les rêves préparent le terrain. N’imaginez surtout pas la demoiselle en jolie brindille des campagnes montée sur piles électriques, même si la magnétique jeune femme bouffe l’écran à chaque plan. Anaïs n’est pas que ça ! Oh non…
Anaïs trace son sillon, une veine où s’écoule son abnégation. Elle va de l’avant et sait ce qu’elle veut, parce qu’elle en veut. Passion et volonté nourrissent son lopin de terre. La rage qui l’habite lui donne la force d’un titan.
Qui s’y frotte s’y pique ! Les cultos, gros lourdingues qui la gavent, symbole du défaitisme rabat-joie, en prennent pour leur grade. Marion Gervais a su capter la puissance d’une résistante. Les rares moments de relâchement sont tout autant bouleversants. Anaïs, c’est un caractère, le coup de pied au cul salvateur.
Et pourtant, envier sa place (mode bobo parigo) sans comprendre le travail abattu serait tout à fait déplacé. En Bretagne, la terre est basse (oui, mais plus basse qu’ailleurs), les saisons capricieuses, les vents querelleurs, les dettes et l’incertitude fichent la trouille. Et si les plantes décidaient un matin de ne plus pousser ? Chez Anaïs, le confort quotidien se mérite.
Envions-lui sa liberté, nous, pauvres pêcheurs. Une liberté totale et le bonheur absolu de ne faire aucune concession. Anaïs est une alchimiste, et je sais de quoi je parle, car ces tisanes, fameuses, je les ai goûtées et je les aime. Ce travail exhale les parfums du respect et de l’exigence.
Vivons d’amour et d’eau chaude ! – comme elle le dit si bien.
Pour commander, c’est ici : www.lestisanesdanais.fr
DVD disponible aux Editions Montparnasse.
Insecticide, mon amour réalisé par Guillaume Bodin avec Guillaume Bodin, Thibaut Liger-Belair, Emmanuel Giboulot, Claude et Lydia Bourguignon…
Guillaume a 26 ans, il est réalisateur et ouvrier viticole en Saône-et-Loire lorsqu’il est victime des traitements obligatoires aux insecticides contre la cicadelle de la flavescence dorée. Comme il est impossible de se faire entendre, il décide de quitter son travail et d’enquêter sur la question. Il part à la rencontre de nombreux acteurs du milieu viticole et scientifique comme Emmanuel Giboulot et Thibault Liger-Belair, ces vignerons ayant refusé de traiter aux insecticides. Ou Jean-Marc Bonmatin, chercheur au CNRS et lanceur d’alerte sur les effets catastrophiques de l’utilisation de ce type de pesticides sur l’environnement. Le couple Claude et Lydia Bourguignon apporte de nombreuses informations sur l’impact de ces produits chimiques sur la faune des sols.
Guillaume Bodin n’est plus ouvrier agricole mais il est devenu un grand pédagogue. Son précédent film, Les Clés du terroir, présentait déjà avec efficacité la richesse et la beauté de notre terre. Ce n’est pas une tâche aisée, croyez-moi, de faire comprendre à qui veut bien entendre, que le sol français recèle des milliers de terroir et qu’une identité paysagère se compte en mètres et même parfois en centimètres. Imaginez le bordel dans le cerveau d’un préfet quand on lui parle de microbiologie. Tous ces vins, tous ces fromages, toutes ces saveurs, toutes ces traditions, tous ces paysages… mais dans quel pays vivons-nous ! Les technocrates ne sont pas sensibles aux petites échelles. Ils préfèrent s’enivrer des feuilles Cerfa, se rouler dans la paperasse et jouir du dernier alinéa. Pourtant, avec cette France du local qui tire son essence de l’émiettement communal, ils devraient être heureux nos hommes d’Etat ! Bah oui, c’est 36 000 raisons de prendre des arrêtés pour 36 000 clans supposés. Supposer se supporter ? Là, on a un problème.
Guillaume Bodin s’interroge sur les conséquences de l’arrêté préfectoral sur les traitements obligatoires aux insecticides pris notamment en Saône-et-Loire il y a quelques années contre la cicadelle de la flavescence dorée. Késako la cicadelle ? La cicadelle est une petite bête (un insecte qu’on dit à l’école primaire !) qui s’attaque à la vigne.
Bilan : au lieu de traiter localement et de prendre et comprendre le problème à sa source, la préfecture a ordonné aux viticulteurs d’épandre les insecticides (trois traitements) sur les zones touchées et bien entendu sur les zones non contaminées. Aujourd’hui, on applique à tour de bras le principe de précaution. N’oubliez pas que le pinard qui devrait être obligatoire est un sacré business ! Bref, on répand et on éparpille façon puzzle ! Au diable la problématique des causes, les analyses de terrain et les impacts sur l’environnement.
Allons messieurs, il faut agir et vite, avant qu’il n’y ait plus rien à boire car c’est à boire qu’il nous faut.
Guillaume Bodin expose avec simplicité les aberrations et les dangers du monde moderne. Par exemple, prenons le cas des frontières départementales. Quand le département de la Saône-et-Loire publie l’arrêté qui ordonne l’utilisation de pesticides pour vaincre le mal appelé cicadelle, eh bien de l’autre coté de la route dans le département du Rhône, aucune décision n’est prise contre le fléau. La cicadelle peut tranquillement refiler sa jaunisse !
Aussi, les viticulteurs respectueux de l’environnement (inquiets pour des raisons de santé publique) qui refusent d’épandre les produits chimiques se mettent à dos une partie du métier. Et c’est le bordel ! C’est la chienlit. Penser les actions de prévention et de précaution nécessite que l’on réfléchisse tous en terme d’habitat et d’écosystème. Toutefois, parler le même langage, mutualiser les connaissances et les savoirs, ce n’est pas pour demain. La cicadelle, elle, ne poireaute pas des plombes à la sous-préfecture pour obtenir son autorisation de nuire. Elle va au charbon !
Guillaume Bodin invite devant sa caméra des spécialistes du terroir, des défenseurs de la nature, des politiques, des responsables de coopératives et des viticulteurs. Tous ne sont pas d’accord. Tous n’ont pas le même point de vue. Seules les autorités et les grandes huiles ont offert une fin de non-recevoir.
Guillaume Bodin mérite le prix Demeter du meilleur documentaire. Un documentaire où l’on se sent concerné. A not’ bonne santé !
Disponible en DVD aux Editions Montparnasse.