La Femme du ferrailleur, de Danis Tanovic

 

La Femme du ferrailleur, de Danis TanovicAttention, histoire vraie… Bosnie, de nos jours. Nazif, Senada et leurs deux petites filles forment une famille heureuse, avec son lot de chamailleries et de gestes tendres. Certes, ils vivent de ce que Nazif parvient à vendre de ferraille par jour, mais au moins, ils ont de quoi manger et la télé dans le salon. Mais Senada se plaint subitement de douleurs au ventre. Et à l’hôpital, la famille apprend l’indicible : le bébé que porte Senada est mort et elle risque une septicémie si elle n’est pas opérée de toute urgence. Problème de taille : la famille n’est pas assurée et ne peut payer l’opération. Ils se retrouvent expédiés manu militari de l’hôpital qui refuse de les prendre en charge. Le combat de Nazif pour trouver l’argent nécessaire et les subterfuges dont il use pour aider sa femme sont pour le moins touchants. D’autant plus que le réalisateur, Danis Tanovic, déjà remarqué pour No Man’s Land, a décidé d’adapter ce fait divers avec les protagonistes initiaux. Et Nazif et Senada de revivre leur histoire, un peu comme l’avaient fait Valérie Donzelli et Jérémie Elkaïm avec La guerre est déclarée. Mais ici, point de fioritures, de jolis cadres, de musique pop pour faire passer la pilule. Tout est filmé comme un documentaire. C’est Envoyé spécial sans voix off. Tout est brut de décoffrage, quitte à se priver de quelques ellipses qui auraient pu donner un autre rythme. Que Nazif soit ferrailleur est une chose. Le voir désosser intégralement une voiture en est une autre. Et si l’on sent tout l’amour que Nazif porte à sa femme, le film aurait mérité de mettre un peu de côté le documentaire pour laisser filtrer la fiction, avec davantage d’émotions et d’empathie pour ces personnages. Là est sans doute la limite de l’idée (légitime) de refaire jouer à ce couple ce qu’il a traversé. Des acteurs confirmés auraient sans doute permis d’établir une distance avec la réalité et nous aurions pu assister à du cinéma qui emporte, comme sait le faire si bien Danis Tanovic. Ce qui n’a nullement dérangé le jury de la Berlinale 2013 qui a attribué le prix d’interprétation masculine à Nazif. Ou quand la réalité rejoint totalement la fiction.

 
La Femme du ferrailleur de Danis Tanovic, avec Senada Alimanovic, Nazif Mujic, Sandra Mujic et Semsa Mujic. Bosnie-Herzégovine, Slovénie, France, 2013. Grand prix du jury au Festival de Berlin 2013.