The End, de Hicham Lasri

 

The End, d'Hicham LasriAttention, un ovni marocain s’apprête à atterrir dans nos salles. The end est sans doute l’une des expériences cinématographiques sensorielles et esthétiques les plus abouties que l’on ait pu voir ces dernières années, toutes nationalités confondues. Une des plus ultraréférencées, aussi. Il y a du Reservoir Dogs de Tarantino, du Angel-A et Léon de Besson, du Amélie Poulain version trash de Jeunet ou du Doberman de Kounen. Le tout, dans un noir et blanc classe et crasse que ne renierait pas Mondino. Ce beau mélange pourrait donner l’impression d’un immense déjà-vu s’il n’était question de la nationalité de ce film. En signant un long-métrage dérangeant, violent, sensuel, politiquement incorrect sur toute la ligne, avec des plans dignes des plus grands (envolées lyriques, ralentis, scènes absurdes succédant à des moments de violence sadique), le Marocain Hicham Lasri nous envoie ainsi de bonnes nouvelles de son pays qui ose sortir de son carcan religieux et politique. Dans The end, le héros, Mikha, petit malfrat mutique aussi expressif que Buster Keaton, essaie de convoler avec sa promise, Rita, poupée manga littéralement enchaînée par ses quatre frères, aussi malins que les Dalton en tenue Gaultier. Lesquels sont des braqueurs amateurs, aussi fous que violents, qui se montrent puritains face à l’idylle de leur petite sœur peu farouche. Le tout sous le regard de Daoud, un commissaire façon Harvey Keitel à la gâchette plus que facile. Tout ce petit monde se rencontre, s’étripe, se court après, se court dessus, s’entre-tue avec un plaisir non dissimulé. On y baise aussi, lors de scènes de sexe avec de vrais gens tout nus dedans. The end regorge de symboles et mise parfois plus sur la forme que sur le fond, avec une poésie sombre et touchante, mais un peu fade face à la splendeur de chaque plan. Il dénonce aussi la vacuité de la réalité de son pays, dans un Maroc fantasmé où le chaos est prêt à surgir dès l’annonce de la mort du roi tant aimé, même si, occidentalisé à l’extrême, le film pourrait se passer n’importe où. Car c’est vraiment dans un ailleurs torturé et irréel que nous emmène Hicham Lasri, un ailleurs désenchanté qui recherche un envol, une lumière qu’on ne semble trouver qu’à travers la mort ou le rêve. La violence, brutale et détournée avec humour noir, est un triste rappel à la réalité. La fin est certes au bout du tunnel, mais ça vaut la peine d’y aller quand même…

 
The End de Hicham Lasri, avec Sam Kataner, Salah Ben Salah, Hanane Zoudhi, Nadia Niazi, Malek Akhmiss… Maroc, 2011. Programmation Acid Cannes 2012.

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